S’il n’y avait qu’une image, par Hélène Mauri, photographe, infirmière en soins palliatifs

05 - Les joueurs d'echecs

 © Hélène Mauri

L’idée est immédiatement bouleversante.

Infirmière et bénévole à L’Institut Curie, premier centre français de lutte contre le cancer, Hélène Mauri a demandé à des patients gravement malades, en cours de traitement ou en fin de vie, quelle serait la photographie qui les aiderait à supporter l’angoisse de la mort et de leur apporter une aide, se proposant alors de la réaliser.

Dans un premier temps pour ce projet commencé en 2013, intitulé S’il n’y avait qu’une image (Editions Loco), le lecteur découvre le souhait du malade, et dans un deuxième, après avoir tourné la page, la photographie réalisée par l’artiste soignante – ayant suivi une formation à l’Ecole nationale supérieure Louis-Lumière en 2010, ou soignante artiste.

02- Le chene

 © Hélène Mauri

Des images qui pourraient être propitiatoires, ou apotropaïques, voire votives.

Quelle serait la dernière image ? Quelle sera-t-elle ? Quelle est-elle ?

Quelle serait simplement l’image nous permettant de passer au mieux le cap de lourds traitements ?

Qui nous dira ?

Qui racontera sa catabase ?

15 - Arbre japonais

 © Hélène Mauri

Quelle fut la dernière image de mon père, mort en mai dernier après être passé par les soins palliatifs de Calais où sa chambre donnait sur une pâture occupée par un beau cheval de trait, un Boulonnais profondément ancré dans la terre ?

« Ce qui est remarquable, observe Mercedes Deambrosis dans sa préface, est la quasi-constante de la nature dans les images (…) Nature bucolique, nature marine, nature animale où la présence de l’humain est presque toujours absente. »

Tous sont si jeunes, trop jeunes : Jean-Marc (65 ans), Marie (75 ans), Noé (70 ans), Sarah (42 ans), Dominique (54 ans), Sylvain (44 ans), Zoubida (67 ans)…

18 - Les coquelicots

 © Hélène Mauri

Tous les mots des témoignages sont importants, tous déchirent le cœur parce qu’ils sont exprimés depuis un point de vérité irréductible en chacun.

Il faut les découvrir, je ne peux évidemment pas tous les reproduire ici.

Jean-Marc : « J’aimerais une photographie d’une cascade. Autour de cette cascade, il y a une forêt et en face une vallée. Elle se situe près de la ville d’Amélie-les-Bains, près de Perpignan. J’y suis allé plein de fois en vacances. Quand je fais des « visualisations » lorsque je suis décontracté, je vois cet endroit dans lequel je me sens bien. J’extrais ma tumeur et je la jette dans le torrent qui suit cette cascade. »

Marie : « Je voudrais la photographie d’un arbre, un chêne de préférence, c’est tellement beau. Avec, si possible, le soleil qui joue dans les feuilles. Un chêne pas trop jeune. Autant que possible, il doit être entier sur la photographie. Le chêne que je visualise est tout seul dans la verdure. Il doit être assez opulent. J’aimerais une photo plutôt en format paysage et de petite taille afin que je puisse l’emporter partout avec moi. »

Le lieu des jeux d’échec du jardin du Luxembourg à côté du Sénat.

La plage de Donnant à Belle-Île-en-Mer.

40 - Bonifacio

 © Hélène Mauri

Des cerisiers en fleurs.

Le village de Bonneval-sur-Arc, dans les Alpes, couvert de neige.

Le village de Saint-Michel-les-Portes, dans le Vercors.

Nathalie, 42 ans : « J’imagine la photographie d’un petit village qui s’appelle Marigny-Marmande, il est situé en Eure-et-Loir, entre Tours et Châtellerault. C’est le village de mes grands-parents qui m’ont accueillie quand j’étais petite. Je me souviens qu’il n’y a rien dans ce village. »

Audrey, 32 ans : « J’aimerais une image de mon chat. C’est un gros chat de neuf kilos, je l’ai depuis deux ans. Il est maintenant « en retraite ». Ce chat représente pour moi la douceur, les ronrons et les caresses. Il est tout doux et tout gentil. Il a une bonne tête, avec des joues bien rondes, il est aussi peureux. Depuis que je suis hospitalisée, il me manque beaucoup. »

Voilà, la vie a passé, la vie va passer, et le monde est encore si beau.

Des patients se rétabliront, d’autres pas.

Mais qui nous regardera pour la dernière fois ?

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Hélène Mauri, S’il n’y avait qu’une image, préface Mercedes Deambrosis, texte Hélène Mauri, édition Anne Zweitbaum, graphisme et mise en page Danish Pastry Design, Editions Loco, 2021, 180 pages – 50 reproductions en quadrichromie

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Editions Loco

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Se procurer S’il n’y avait qu’une image

3 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. Matatoune dit :

    Quelle magnifique idée ! Merci pour cette présentation. J’avoue que le livre me tente bien !

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  2. Barbara Polla dit :

    Quel belle idée oui…

    Qui m’a fait penser à ce que j’avais écrit en hommage à Jean Revillard

    Tu n’avais montré qu’un de ses images dans l’article sur Karine Miermont Il était un photographe extraordinaire

    Je t’embrasse, bon travail…

    Barbara

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  3. One Day ... dit :

    J adore l idée !

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