Des hommes, dans l’intimité d’un huis clos, par Pierre Liebaert, photographe

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©Pierre Liebaert

« Vous êtes ces hommes dont le dépouillement nous confronte. Vous avez de vos habits ôté l’érotisme, l’élégance ou la tendresse et vos corps élégiaques en vous dénonçant nous dénoncent. Vous êtes ces hommes en souffrance qui livrent leurs faiblesses à d’autres afin qu’ils les en délivrent. » (Karelle Ménine)

Confier son apparence physique à un inconnu, accepter d’être photographié pour s’en libérer tout en étant confirmé par le regard qui nous désigne, tel est le désir de nombre de modèles ayant répondu à une annonce de Pierre Liebaert de venir poser dans une chambre close. 

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©Pierre Liebaert

Ne plus maîtriser, accepter d’être dessaisi, mis à nu, sans considération particulière d’un statut social ou d’un type de corps a priori photographiable.

Car ici les corps sont beaux d’être ordinaires, obèses ou maigres, les sexes n’ont parfois rien de glorieux, les peaux sont des parchemins usés, peu importe.

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©Pierre Liebaert

Les visages sont masqués, l’anonymat est de rigueur.

Sous coffret cartonné, publié sous la forme d’un leporello, les images de Libre maintenant font entrer le spectateur dans l’intimité d’un abandon recherché.

Il n’est pas fréquent de voir le corps masculin nu dans toute sa diversité, tant les canons esthétiques dominants imposent leur tyrannie.

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©Pierre Liebaert

La plupart des hommes posent pour la première fois, l’expérience est forte.

Certains disent qu’ils sont mariés, qu’ils veulent un moment de parfaite discrétion, que l’expérience les tente beaucoup.

La démocratie commence ici, lorsque l’on ne craint plus d’être qui l’on est dans le regard de l’autre.

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©Pierre Liebaert

Dans la diversité des chambres d’hôtel, chacun expose ce qu’il cache le plus souvent, par pudeur, par honte, ou tout simplement parce que personne n’est là pour la contemplation.

Ces exhibitions sont impudiques bien sûr, mais d’une vérité demandant la suspension du jugement.

On lit : « Si vous saviez comme j’en ai besoin. »

On lit : « Libre maintenant, femme absente. »

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©Pierre Liebaert

On lit : « Juste t’écrire combien je suis bien d’avoir… posé nu devant toi ce midi… Au risque (je suis rouge) de te « déplaire », oui, c’est sûr… j’ai éprouvé du plaisir au fond de moi à me retrouver dévêtu devant les objectifs de tes appareils-photos Pierre… »

Ces mots ne sont-ils pas simples et bouleversants ?

Se souvenir maintenant que Gilles Favier usa du même protocole, mais essentiellement avec des femmes, pour la série One star Hôtel (2012), qui est aussi un livre à 99 exemplaires que j’ai présenté le 9 novembre 2018 dans L’Intervalle, mais aussi Aurore Dal Mas pour Don’t love me, I’m your toy (DIRTYillness, 2019).

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©Pierre Liebaert

Le dépouillement, voilà la vraie révolution franciscaine.

Mais être sans aucun vêtement suffit-il à toucher Dieu, si l’esprit résiste encore ?

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Pierre Liebaert, Libre maintenant, texte Karelle Ménine, conception Frédérique Destribats & Pierre Liebaert, photogravure Les Artisans du Regard, L’éditeur du dimanche, 2021, 668 exemplaires

L’éditeur du dimanche

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Pierre Liebaert – site

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Un commentaire Ajoutez le vôtre

  1. très bon récit pour une rencontre avec la solitude partagée.

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