
« Personne n’est rien avant d’être aimé. » (La Rose tatouée, Tennessee Williams)
C’est une œuvre de silence et d’aveux, d’absence et de présences frôlées, d’attentions et d’obstination.
Paru en 2021 chez Grasset, repris aujourd’hui en Livre de Poche, Revenir à toi, de Léonor de Récondo narre avec beaucoup de grâce la quête d’une mère disparue.
Que peut un enfant lorsque sa maman décide de fuir et de se taire ? Que peut une fille ?
Phrases courtes, clarté de l’expression, pudeur, mystère des gestes et des signes parsemant le cours de ce qu’on appelle une vie.
Revenir à toi est une œuvre de délicatesse, de mémoire franche et feutrée.
Magdalena est actrice, à qui Adèle, son agent, apprend un jour qu’on a retrouvé sa mère. Elle vit dans une maison éclusière à Calonges, sur le canal latéral, dans le Lot-et-Garonne.
Sa prochaine répétition – elle jouera l’été qui vient Antigone de Sophocle à Avignon – est dans cinq jours, elle peut partir, elle part.
Sa mère, qu’elle n’a pas vue depuis ses quatorze ans, s’appelle Apollonia.
« Magdalena pensait qu’elle avait dû se dissoudre. Et à force de se dissoudre, il n’était rien resté, juste un petit tas de poussière que grand-mère Marcelle allait aussitôt balayer. D’un geste souverain, Marcelle ferait place nette avec son balai en paille, aux épis maintenus par des filins bleu et rouge. »
Un mot plane, insiste, blesse : dépression.
Imaginez une mère allongée, comme l’était la mienne trop souvent lorsque je rentrais de l’école.
Le sommeil de l’oubli, la tristesse infinie.
Magdalena est belle, sa poitrine est une douce promesse, un contrôleur de train fantasme : « Pourrais-je lécher vos dents, madame ? »
Parcouru de flux de conscience à la façon de Virginia Woolf, Revenir à toi entrelace paroles et récit avec une grande fluidité, dans un même souffle.
« C’est Antigone qui l’a sauvée, pas celle de Sophocle, non celle d’Anouilh. Le premier personnage à l’avoir percutée de plein fouet. Antigone est devenue son amie, son autre. Celle espérée qui comprend tout, prend tout, ne se sépare jamais, n’abandonne pas, n’y pense même pas. »
Magdalena, qui aimera de chair l’actrice jouant Ismène, n’abandonnera pas sa recherche, jamais.
Vertiges, nausée, la voici devant la maison de sa mère, mais il n’y a personne.
Que comprendre ?
Elle achète une tente chez Decathlon, décide de l’attendre, le temps qu’il faudra, rencontre Jordan, ne fait pas l’amour avec lui, se laisse simplement enlacer, pour l’instant.
« Alors, ils s’allongent à même le duvet, elle se serre contre lui. De tout son long, tout son corps près du sien. Il passe la main dans ses cheveux, ceux qu’il rêvait d’empoigner et que maintenant il caresse. Il est surpris par cet élan de tendresse qui le traverse. Il ne veut rien d’autre que la tenir embrassée. Elle s’endort aussitôt, et lui bientôt avec elle. »
Il faut panser la blessure de l’abandon, au moins un peu.
Un puis soudain Apollonia surgit, se plante devant sa fille.
« De loin, dans l’humidité de ce jardin triste, devant l’improbable tableau de ces femmes séparées depuis si longtemps, on ne saurait dire laquelle est la plus âgée. »
Voilà, nous sommes à la moitié du livre, et je ne vous raconterai pas la suite, mais sachez seulement que si l’oubli aspire, il est aussi un manteau de protection.
Bonne lecture avec la petite Antigone.

Léonor de Récondo, Revenir à toi, Le Livre de Poche, 2022, 190 pages
https://www.livredepoche.com/livre/revenir-toi-9782253107330
