Dérouler le monde premier, par Daphne Kotsiani, photographe

©Daphne Kotsiani

Venu de Grèce, imprimé à quarante exemplaires à Thessalonique, le livre d’artiste de Daphne Kotsiani se présentant sous un coffret rigide oblong est impressionnant de maîtrise, il en est même presque intimidant.

Un livre d’artiste ? Plutôt un rouleau d’artiste, puisque les image se présentent sur une unique feuille de plusieurs mètres à dérouler horizontalement.

Il s’agit d’un voyage se déployant en un paysage naturel aussi bien qu’intérieur.

©Daphne Kotsiani

Le blanc y est structurant, offrant à chaque image, montrée seule ou en polyptiques, un silence lui donnant une dimension introspective très forte.

On est ici dans le registre du romantisme allemand, dans une solitude glacée et pourtant sans terreur.

After Echo est un espace où rêver, où se projeter, où habiter.

Il faut beaucoup de place pour déployer les ailes de ce géant de papier, un salon de ministre ou une vaste terrasse un jour où le vent n’est pas trop fort.

©Daphne Kotsiani

Bénéficiant du regard expert d’Ilias Georgiadis, ce rouleau de poésie relève de la beauté de l’atemporel, et de l’éphémère de notre condition de mortel.

Il faut respirer calmement à mesure que les images défilent, naviguer entre les unes et les autres, accepter d’entrer dans le film des visions d’une artiste de haute sensibilité.

Se dirige-t-on vers l’ataraxie ? Peut-être, ou plus simplement vers une profondeur de conscience accueillant l’instant comme le plus précieux des girons où renaître.

Les éléments naturels sont omniprésents, roches gelées, arbres nocturnes, mers de matin de création.

©Daphne Kotsiani

Associés en mosaïques dans un rythme d’un paisible dynamisme, les photographies de Daphne Kotsiani proposent un embarquement dans le monde premier.

Pas de souillure ici, pas de corruption, pas de violence, si ce n’est celle de la glace rompant à l’approche de l’esquif.

On se gonfle les poumons d’images, les yeux se gorgent d’air pur, les animaux sont sans crainte.

Est-ce cela notre futur, lorsque les affreux petits d’hommes auront été engloutis par leur malfaisance ?

De petite taille, les images sont souvent de l’ordre de vignettes précieuses, mais quel concentré de vie, de puissance, d’énergie.

©Daphne Kotsiani

Le soin accordé au façonnage d’After Echo n’est pas une coquetterie, c’est un manifeste envers l’attention fine, l’écoute un peu stupéfiée du bruissement des entités naturelles, et le respect de la justesse des interactions entre l’ensemble des composantes du vivant.