
Avec Way to blue, publié par Filigranes Editions, Arnaud Chochon évoque avec beaucoup de pudeur le décès de son frère.
Cet ouvrage très beau, de deuil, de silence et de douce rêverie, comporte en préface un texte, très court, rédigé par le photographe.
« Nous étions tous les deux. C’était le 7 mai 2018 vers midi. J’ai souvent avec moi ce tout petit appareil argentique en plastique. J’ai pris une ou deux photos de la plage d’Andernos avant que nous allions déguster quelques huîtres dans une cabane près du chenal. Benoît a voulu me prendre en photo avec ce petit appareil. C’était quelques jours après son opération. On avait espoir. »

©Arnaud Chochon
Way to blue déplie ses paysages comme autant de linceuls, qui sont aussi des voiles d’embarquement flottant entre la réalité et l’au-delà.
A partir d’images issues de différents supports (numérique/argentique) et types d’appareils, jusqu’au téléphone portable, Arnaud Chochon a composé une oraison bleue en hommage à l’absent, le frère aimé, dont le silence est une parole muette perceptible à chaque page.
Nous sommes sur les rivages ou en haute mer, là où la fiction et le corps engagé protègent de la brutalité des faits.

©Arnaud Chochon
L’horizon reste désirable, c’est un cil tremblant secouant ses larmes.
Dans les soutes de la douleur et de la mélancolie, il y a des parents soudés attendant à la fenêtre le passage du prochain oiseau.
Attentif aux notions de filiation et de génération, Arnaud Chochon interroge aussi la dialectique de la solitude et de la fraternité.
C’est une eau parsemée de fleurs allant à la noyade, un chemin sombre que surmontent des frondaisons dépouillées, un lit trop peu défait.

©Arnaud Chochon
L’écoulement du temps.
Le cycle des jours et des nuits.
Le battement des marées.
Des grisailles d’étourneaux et des herbages aqueux.
Il fait très froid dans l’âme du survivant.

La glace craque maintenant sous les pas du Wanderer égaré par le chagrin.
Suivre les rais de lumière, échapper aux vagues démentes, pénétrer toujours plus loin dans les sous-bois menant peut-être dans un sépulcre de résurrection.
Tout est encore silhouette, il ne faut rien précipiter, dériver de halo en halo sous l’œil placide d’un cheval paissant dans l’éternel retour du même.

©Arnaud Chochon
Aimer la vie jusque dans la mort, et, comme l’enfant, tenter chaque jour d’attraper des nuages avec un filet à papillon.
Arnaud Chochon remarque des signes, une croix dans le lointain, une barque rouge retournée contre la façade d’une maison au volets fermés tel un fil de sang, une écume paraissant aussi solide qu’une explosion de marbre du Cavalier Bernin.
Il n’y a personne, il n’y a rien, il y a tout.
Chaque image est un calligramme énigmatique ayant le visage du disparu.
La tonalité est peu à peu moins dramatique, il y a des échappées possibles, une reconstruction.

Une aube, un petit garçon, un couple d’amoureux.
Dans le mandala du champ labouré recouvert de neige repose probablement le secret de l’existence du petit d’homme happé par la mort, devenu roche fendue, particule de brouillard ou végétal étique dans une lande fantasmatique.

Arnaud Chochon, Way to blue, poème de Paul Eluard, réalisation graphique Patrick Le Bescont, Filigranes Editions, 2023, 128 pages – 700 exemplaires

©Arnaud Chochon
https://www.filigranes.com/artiste/chochon-arnaud/
Avec beaucoup de pudeur, Arnaud Chochon est membre de l’agence Hans Lucas

Merci Fabien.
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