
« Ce qui est bon est léger. Tout ce qui est divin marche d’un pied délicat. » (Le cas Wagner, Friedrich Nietzsche)
J’avais beaucoup aimé en 2021 le texte inédit de Belinda Cannone publié en Folio 2euros, Petit éloge de l’embrassement.
Je voulais le chroniquer, le laissant en attente sur une pile de livres à part, et puis, comme d’habitude, tout s’est enchaîné.
La parution aujourd’hui d’un court texte érotique excellent aux éditions La Pionnière, Le vis-à-vis, me rappelle cet essai sur le tango et l’abrazo.
Chez Belinda Cannone, tout est désir, une danse, un regard, et surtout l’écriture.
Je reprends donc ce volume sur le tango comme relation, relisant son prélude – passage qui plaira probablement à Barbara Polla : « Il me paraît impossible d’aborder aujourd’hui la question du féminisme sans placer en clé musicale de la pensée la question du désir que nous avons des hommes, d’une vie bonne avec eux, et non contre eux ou sans eux. Refusant d’adopter un point de vue identique, j’affirme que nous ne pouvons pas définir les femmes par une essence (le féminin) mais seulement dans le cadre changeant de relations multiples, et en premier lieu celles qui nous lient aux hommes. »
Les livres de Belinda Cannone sont hospitaliers, ouverts à l’altérité, à ce qui déplace les certitudes.
Il y a chez cette auteure une tentative d’abolir les distances qui est très belle, tant elle se nourrit également de la conscience de ce qui nous sépare et des diverses asymétries entre les êtres.
Frissons de la pensée libre, parades amoureuses, jeux dans les interactions.
On ouvre les bras ou un livre, on s’accueille, nous sommes des hôtes mutuels.
Droit de visite, droit de regard, droit de contempler ce que les cuisses révèlent dans le sourire doux de l’écartement.
Le vis-à-vis est porté par la joie, la complicité érotique, l’amour.
La dilection bascule dans la dilatation, le rougeoiement des tissus, l’embrasement interne, l’eau en feu coulant entre les amants.
La danse lente mène aux points de rupture, Thérèse d’Avila s’évanouit.
La main aux ongles vermeils se pose sur la source pour la contenir tout en accélérant son débit.
Une vulve ? « fleur fêlée, magnifique, horrifique, pétales et bouton sombres ».
Les mots font flamber le désir, comme l’attente, et le spectacle de ce que généralement cache la conque du pubis.
Fièvre, affaires secrètes, inondation.
« Elle murmurerait. Ô vulve circonvolutée, veloutée, circonscrite dans la niche tendre des hauts de cuisse, festin. Elle dirait C’est là mon festin et elle s’adresserait à sa vulve autant qu’à son visage. »
Tout a glissé sur le sol, les manteaux, les fausses pudeurs.
Lui : « peau d’ébène, belle verge tendue et noire, colonnes des cuisses »
Tous deux cherchent le nu intérieur.
« Elle ferme les yeux pour accéder à ce lieu semi-rêvé qu’ils occupent ensemble, qui n’existe que par eux, le temps de leur étreinte, où ils se lovent, nus au-dedans. Lieu de la joie, dans l’ouvert du monde. »
On appelle cela une île.

Belinda Cannone, Petit éloge de l’embrassement, Folio 2euros, 2021, 124 pages
https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-2-3/Petit-eloge-de-l-embrassement

Belinda Cannonce, Le vis-à-vis, éditions La Pionnière, 2023, 36 pages – 500 exemplaires numérotés de 1 à 500
https://www.lapionniere.com/livres/le-vis-a-vis-de-belinda-cannone

Les éditions La Pionnière ont également publié en 2021, en tirage très limité, le livre rare, hors-commerce, La Pisseuse
https://www.lapionniere.com/livres/la-pisseuse

Bonjour, comment lire la pisseuse s’il est édité hors commerce. A la bnf ?
Cordialement,
J’aimeJ’aime