Une beauté convulsive, érotique-voilée, explosante-fixe, magique-circonstancielle, par Katia Berestova, photographe

©Katia Berestova

Certains livres relancent immédiatement notre envie de vivre.

Il faut alors tout arrêter pour les remercier, se jeter derrière le clavier, écrire ce texte, saluer la sensibilité de l’auteure (la Russe Katia Berestova), de l’éditeur (le Norvégien Russell Joslin), et des Postes internationales faisant circuler en toute discrétion de telles merveilles.

Tiré à 350 exemplaires, Out of time devrait l’être à 3 500 tant nous avons besoin de ses beautés.

Ce livre est plus qu’un recueil de photographies, c’est une proposition d’entrée dans la vie spirituelle.

Un calme profond y règne, malgré les murs parfois délabrés, ce que l’on peut ressentir des difficultés existentielles, les turbulences atmosphériques.

©Katia Berestova

A la façon de Virginie Woolf, Out of time est une chambre à soi pour tous.

Une chambre qui n’est pas qu’un espace clos intérieur, mais une vastitude allégorique, symbolique, onirique.

Le visible n’est pas uni, il est une succession de voiles.

Derrière le livre ouvert des cinq sens, il y a celui de notre vie, lumineux, témoignant d’une inscription éternelle de l’âme.

©Katia Berestova

Je ne connais pas Katia Berestova, mais je suis certain que l’art est ce qui conduit sa vie, non comme un beau décor, mais comme ce qui donne accès à une dimension de poésie première et à la liberté d’être qui l’on est depuis toujours.

Out of time est à la fois l’évidence d’une présence supérieure, et une recherche de traversée des apparences.

Le ciel est tumultueux, que perce un soleil froid.

On se vêt de neige, on court, on est un cheval blanc.

Comment parvenir à la sensation d’unité multiple parfaite ?

En ne craignant pas d’être libre, dégagé-e des piteux jugements sociaux, et en décelant son cœur.

On voit des personnages tout au fond des cours d’immeubles, une femme qui dort pour trouver l’éveil, les toits d’une ville comme dessinés au fusain.

Quelle différence entre l’oiseau de paradis et l’œil de l’artiste en sa nature animale ?

Les images en noir et blanc de Katia Berestova possèdent un grain qui est du temps pulvérisé.

©Katia Berestova

Un homme pêche comme dans un film de Jean Renoir, tandis que, page suivante, une femme vit une sortie de corps.

Les statues de pierre se mettent à bouger, une main s’avance sous l’eau pour atteindre des nénuphars.

La nudité est rappel de notre état initial, et de notre grâce.

Il y a ici quelque chose du meilleur surréalisme, non comme pittoresque des images, mais comme façon de toucher aux troublantes inventions de l’inconscient.

Un arbre pousse sur un lit, une échelle mène à quelque très-haut, la maya desnuda est vêtue de fourrure.

©Katia Berestova

Qu’attrape-t-on avec des ombres ?

Katia Berestova se livre à quelques rites secrets – on peut penser à l’œuvre de Sara Imloul, mais aussi à celle de Francesca Woodman -, dispose ses symboles, se fraie un passage entre la vie et la mort.

La sensualité est chez elle liée à la délicatesse et à la transe douce, c’est une belle sorcière déguisée en souveraine princesse.

©Katia Berestova

Out of time crée un trou dans le tissu des jours possédés par l’ogre de la société, offrant la possibilité à son regardeur d’accueillir en lui un espace de désir étrange et fascinant comme un chant venu de l’au-delà.

Et l’on se souvient de la formule d’André Breton tracée comme un schibboleth tirée de L’Amour fou : « La beauté convulsive sera érotique-voilée, explosante-fixe, magique-circonstancielle ou ne sera pas. »

Katia Berestova, Out of time, curated and designed Russell Joslin, Skeleton Key Press (Norvège), 2024 – 350 exemplaires

https://www.skeletonkeypress.com/

https://www.skeletonkeypress.com/berestova

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