
© Leonard de Serres – Domaine national de Chambord
Ce sont des élevages de poussières grandioses, et des ongles formant sculptures, et des peaux de pied, et des oxydations, et des peintures possédant leur propre organicité.
Tout un bestiaire fantastique.

Champs d’oiseaux ©Olivier Marchant-Domaine national de Chambord
Une chouette gigantesque comme une grotte ornée du paléolithique appelée Dame du lac – installation pérenne -, des totems à tête d’effraie athénienne, des meutes de loups aux yeux d’éternité montés sur structures métalliques.
Cette vaste cérémonie savamment barbare célébrant les forces du vivant se déroule actuellement au Domaine national de Chambord.
Invité par Yannick Mercoyrol à investir les espaces intérieurs et extérieurs du château d’apparat des rois de France, Lionel Sabatté a d’abord décidé d’en collecter la poussière, afin de la redéployer sur des toiles d’exposition ou des photographies de la forêt.
Plus de noble et de bas, de vil et de superbe, plus de dualisme baudelairien, mais une transvaluation des valeurs rétablissant la richesse du rien, du rebut, de l’exclu.
Les salamandres alchimiques entrent dans Chambord devenu le lieu de toutes les métamorphoses.

Dame du lac ©Domaine national de Chambor
Formé à l’école de Vladimir Velickovic, parent en parades sauvages de Paul Rebeyrolle, héritier de Chardin et de Soutine, Lionel Sabatté élabore une poétique du recyclage en explorant les figures mythologiques de son propre chaosmos (Kenneth White).
Poétique de la matière, matériologie du poétique, du ciment et des visages, des fers à béton et des oiseaux, de la filasse et des figures païennes.
La pollinisation est générale, tout flue, circule, se transforme, pris dans la double vis sans fin d’un escalier génial conçu par Léonard de Vinci.
Le mouvement est la loi du vivant, il n’y a pas de stase, mais des transformations incessantes, des bifurcations monstrueuses, tout un bouillonnement d’être en expansion bizarre et rétractation torve.
Au commencement était la particule infinie ayant les dimensions de l’univers, éclatée par un son primordial, disons un hurlement de loup, ou le grognement d’un ours.

© Leonard de Serres – Domaine national de Chambord
Dans un article au titre faulknérien, Demande à la poussière, Yannick Mercoyrol développe un propos – selon la logique de l’entrée par verbes (Empoussiérer, Révéler, Polliniser, Illuminer) faisant songer à son recueil Intensités, 12 artistes d’aujourd’hui (L’Atelier contemporain, 2023, chroniqué dans L’Intervalle) -, d’historien de l’art, de métaphysicien et de cosmographe, évoquant les « 40 000 tonnes de poussières d’étoiles qui tombent chaque année sur la Terre ».
« Nous sommes en effet, poursuit-il, selon les astrophysiciens, constitué de 97% d’atomes d’origine stellaire ; tous les atomes qui composent notre corps proviennent de restes d’étoiles. »
La donnée ne manque pas de sidérer, que prolonge dans son texte l’enseignant-chercheur Baptiste Brun : « Chez Lionel Sabatté comme chez Soutine, pas de système mais le même désir d’une appréhension cosmique partagée avec ses pairs. Saisir l’informe univers. L’artiste offre de l’éprouver avec cet élan qui – comment cela pourrait-il en être autrement – évoque la fascination enfantine face à l’immensité du monde, sa richesse, son caractère fondamentalement et justement merveilleux. »

© Leonard de Serres – Domaine national de Chambord
En effet, cette dimension de merveilleux médiéval organise pour une grande part l’imaginaire du peintre et sculpteur dont l’œuvre relève de la stupeur, de la grandeur de l’infime, et du sacre du vivant par l’ensemble des moyens plastiques à sa disposition.

Lionel Sabatté, Pollens clandestins, auteurs Baptiste Brun, Henri-François Debailleux, Jean-Louis Giovannoni, Yannick Mercoyrol et Clélia Zernik, 2023, 168 pages

© Leonard de Serres – Domaine national de Chambord
https://lionelsabatte.org/styled-47/index.html

© Leonard de Serres – Domaine national de Chambord
Catalogue réalisé, avec le soutien de la galerie Ceysson & Bénétière, à l’occasion de l’exposition Lionel Sabatté. Pollens clandestins, Domaine national de Chambord (direction Pierre Dubreuil), du 14 mai au 17 septembre 2023 – commissariat Yannick Mercoyrol
https://www.ceyssonbenetiere.com/fr/home/
https://www.chambord.org/fr/lionel-sabatte-a-chambord-pollens-clandestins/


Très beau, ça s’allie bien avec l’architecture Renaissance du château, La dame du lac est particulièrement envoutante. ça fait des années que j’ai envie d’y aller, une occasion peut être? Merci pour votre blog qui me fait découvrir de belles oeuvres, je trouve que vous savezles mettre en valeur par vos textes.
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