Flamber et vivre avec les saints, par Robert Bared, essayiste

Vittore Carpaccio, La Fuite en Egypte, vers 1515

« Tous les pays qui n’ont plus de légende / Seront condamnés à mourir de froid. » (Patrice de La Tour du Pin)

Il me faut un saint, un protecteur, un initiateur, un exemple.

N’importe lequel.

Un connu, un méconnu ; un homme, une femme ; un décapité, un crucifié ; un brûlé, un écorché ; un percé, un fouetté ; un dépecé, un étranglé ; un lapidé, un écrasé ; une édentée, un rôti ; un ébouillanté, une violée.

Un extatique.

J’ouvre Les Saints, Aventure spirituelle et représentation, de Robert Bared, très bel ouvrage publié par les éditions Hazan sous couverture dorée à la façon des icônes byzantines : il y en a ici 77 (parmi des milliers), issus de l’art chrétien occidental, en images peintes ou sculptées, par de grands maîtres célébrés (Filippo Lippi, Gérard David, Piero di Cosimo, Hans Memling, Vittore Carpaccio, Guido Reni…), et des anonymes, j’ai l’embarras du choix.

Le mieux est peut-être de ne pas réfléchir, de laisser aller le doigt sur la page, et d’ouvrir le volume à l’improvisade, tel Cyrano fendant la foule des rieurs incrédules à la pointe de l’épée.

On peut jouer à les reconnaître par leurs miracles et leurs attributs (roue, gril, clés, instruments de musique…), mais j’ai moins envie de jouer que d’être sauvé – les livres sont là pour cela, non ?

J’en cite quelques-uns, pour le plaisir de l’onomastique.

Roch, Patrick, Geneviève, Eloi, Bruno, Nicolas de Bari, Rose de Lima, Jean Chrysostome, Apolline, Etienne.

Ma lecture de La Légende dorée, de Jacques de Voragine (13ème siècle) n’étant pas récente, et la liste des saints s’étant étoffée depuis la recension de l’archevêque de Gênes, il n’est pas inutile d’embrasser de nouveau les reliques.

« Surprenantes histoires de saints ! souligne Robert Bared. On y retrouve des péripéties dignes d’un roman picaresque (Patrick enlevé par des marchands d’esclaves, Benoît échappant à deux tentatives d’empoisonnement), d’une tragédie de Shakespeare sinon de Sophocle (Julien l’Hospitalier tuant ses parents sans le savoir) ; des exploits physiques défiant l’entendement (Siméon le Stylite perché sur sa colonne pendant trente ans) ; mais aussi des considérations familiales intemporelles (Marthe travaillant en cuisine pendant que sa sœur reçoit un Invité de marque ; les frères de Thomas d’Aquin le séquestrant et lui offrant de belles tentatrices pour le dissuader d’entrer dans un ordre mendiant ; Rita détournant ses fils du projet funeste de venger la mort de leur père). On y retrouve aussi leurs miracles : l’ombre de Pierre projetée sur les infirmes et suffisant à les guérir ; Denis « céphalophore », ramassant sa tête après avoir été décapité ; le don de double vue pour Benoît de Nursie ; la prédiction aux oiseaux de François d’Assise et celle d’Antoine de Padoue aux poissons. »

Mais quel est le dispositif de ce livre offrant à chaque saint une double page (à droite l’image, à gauche et sous l’image du texte) ? Un abrégé de la vie de chaque personnage comprenant un ou deux miracles, ses attributs, une petite liste de scènes le représentant dans l’histoire de l’art, le patronage, son culte, sa fête, les faveurs qu’il dispense, mais aussi des citations issues des meilleurs auteurs (Cervantès, Dumas, Quignard, Bernanos, Manzoni, Hugon Claudel, Péguy, Fénelon, Mauriac, Mishima) ou/et des paroles du saint lui-même.

Les Saints, Aventures spirituelle et représentation est donc tout autant un livre à contempler – les reproductions de tableaux et bas-reliefs sont superbes – qu’à étudier avec ferveur.

L’épée de Michel, prince des anges, qui, souvenons-nous, apparut à Jeanne d’Arc, est tirée, nous sommes sous bonne garde.

Mais les saints ne sont pas que d’autrefois, ils sont même de plus en plus nombreux, notamment depuis Jean-Paul II, qui a proclamé la vocation de tous les chrétiens à la sainteté.

Robert Bared cite – entre autres – le Maronite Charbel Lakhlouf (1828-1898), canonisé en 1977, patron du Liban, Bernadette Soubirou (1844-1879), Charles de Foucauld (1858-1916), Mère Teresa.

« Pendant la guerre de 1939-1945, précise-t-il, que de saints, de héros, de justes ! Parmi eux se détache Maximilien Kolbe (1894-1941), ce prêtre franciscain polonais interné à Auschwitz, qui a offert sa vie en échange de celle d’un père de famille : « témoin » volontaire, qui s’est substitué sur l’autel du sacrifice à l’un de ses frères en humanité ; il figure parmi les dix martyrs du XXe siècle sculptés sur la façade ouest de l’abbaye de Westminster, à Londres. »

A toi maintenant lecteur, d’entrer en conversation sacrée avec les saints, et paix à ton âme.  

Robert Bared, Les Saints, Aventure spirituelle et représentation, directeur Jérôme Gilles, responsable éditoriale Béatrice Petit, conception graphique Frédéric Célestin, éditions Hazan, 2023, 192 pages

https://www.editions-hazan.fr/livre/les-saints-aventure-spirituelle-et-representation-9782754112857/

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