De la disparition, par Luca Lovino, photographe

©Luca Lovino

Avec The Name We Hold, publié par la maison d’édition indépendante danoise Disco Bay, l’Italien Luca Lovino met à l’épreuve notre esprit d’enfance.

Il dispose des signes dans l’espace, joue au prestidigitateur, propose des éléments de construction.

Livre de petit format, joliment entoilé de gris, pas très loin du carnet à dessins, The Name We Hold est une cosa mentale.

©Luca Lovino

Un gros ballon, comme ceux que l’on utilise lors d’un accouchement, flotte dans les airs, une chevelure blonde se répand d’un lit, des sacs de jute contenant du café reposent sur le carrelage à l’étage.

L’impression est celle d’un huis-clos, qui est à la fois enfermement psychique et tentative de voir le monde à hauteur d’enfant.

Comme si tout était neuf, nouveau, inédit.

©Luca Lovino

Une solive, un empilement de 33 tours, l’ombre d’un sapin sur un bâtiment au bout du jardin.

L’enfant a sorti sa loupe, le photographe a sorti son boitier de vision, tout peut renaître, un cosmos peut apparaître, qui est celui de l’univers domestique, intrafamilial, le plus quotidien, qu’un couple et leur enfant quitteront dans peu de temps pour un autre logement.    

Tout pourrait être banal, tout l’est, et pourtant rien ne l’est.

©Luca Lovino

Une robe se promène de façon autonome dans une chambre, un homme porte un œilleton de borgne, une poutre, percée par une cheville, se dresse comme s’il s’agissait du monolithe de 2001 Odyssée de l’espace.

Les photographies sont en noir et blanc, et surtout en nuances de gris.

L’univers créé est pascalien, entre infiniment grand et infiniment petit, questionnement sur le divertissement et le jeu, mais plus amusé qu’angoissé.

Des formes s’inscrivent dans l’espace, le sculptent, l’inventent.

©Luca Lovino

Luca Lovino interroge la solidité même des environnements dans lesquels nous évoluons, mais aussi la mémoire si friable, et la finitude, symbolisée ici par une chenille, ou une grosse larve glissant sur un poignet.

Il y a des fantômes blancs, des miroirs aveugles, et des voiles donnant sur des toitures de tuiles.

©Luca Lovino

On peut se blesser, rien n’est neutre qui paraît d’abord comme tel, la menace est omniprésente sous le masque de l’anodin.

Nous ne sommes pas vraiment certains d’être en vie.

Le geste général de Luca Lovino est plasticien, mais surtout métaphysique : que voit-on vraiment ? quand vit-on vraiment ? Sommes-nous des somnambules ?

Une cafetière décolle, comme dans Fantasia, ou chez Guy de Maupassant, des verres superposées semblent les vertèbres d’un monstre étêté.

©Luca Lovino

Tout est faux, mais tout est vrai, le temps est désaccordé, il y a une réalité bien plus vaste et secrète que les conditionnements humains.

Un petit garçon grandit dans une maison bientôt abandonnée, regardant avec des yeux sauvages le futur d’une absence.

Luca Lovino, The Name We Hold, text Luca Vicenzi, design Federico Barbon Studio, lithography Rossella Castello, Disco Bay (Danemark), 2024, 112 pages

https://www.instagram.com/luca_iovino/

https://www.diskobay.org/books/the-name-we-hold/

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