
©Emanuel Bovet & Orane Merz Kozieja
Quel beau nom qu’Amour (Amyp) pour un fleuve majeur.
Frontière naturelle entre la Russie et la Chine, ce fleuve fascinant, sans barrage, a guidé les pérégrinations des photographes Emanuel Bovet et Orane Merz Kozieja, arpentant chacune de deux rives.
Leur ouvrage publié par Filigranes Editions – avec couture rouge Singer apparente – est une immense carte postale baroque, assez folle, de ce bout d’Asie méconnu.

©Emanuel Bovet & Orane Merz Kozieja
Les images sont pop, colorées, d’une chromie presque criarde quelquefois ; jouant au chevauchement, les auteurs les superpose ; les diptyques sont déroutants, on ne sait pas toujours très bien où l’on est : Chine ? Russie ? peu importe, l’art est fraternel.
– Tu écris en alphabet cyrillique ou en idéogrammes ?
– Nous écrivons en langage visuel international, pourraient répondre les deux artistes.
Ciels rosés, usines, haut-fourneaux, froideur électrique.

©Emanuel Bovet & Orane Merz Kozieja
Mob sport, navettes fluviales, buildings.
Il a plu, les couleurs sont encore plus généreuses.
Des personnages apparaissent, souvent des silhouettes, ou des présences furtives.
Amour est peuplé de signes, de lignes, de formes géométriques, tous ces cadres transcendants souvent peu conscientisés où s’insèrent nos vies.

©Emanuel Bovet & Orane Merz Kozieja
Conçu comme un diary au long cours, cet ouvrage se découvre comme on navigue à vue guidé par des haleurs.
Télévision, soupe lyophilisée, poussières noires.
Emanuel Bovet et Orane Merz Kozieja nous convient à un voyage étonnant, dérivant, et même, assez souvent, saugrenu.
La cocasserie de certaines scènes ou situations est soulignée, avec une douce ironie.
Basket, groupes d’ados, fête foraine.
Sentiment d’abandon, impression de solitude, existences sans luxe.
On ne comprend pas tout, il y a des images – animaux, nourriture – vaguement écœurantes, on a la tête à l’envers.

©Emanuel Bovet & Orane Merz Kozieja
L’amour est là, sans cause, c’est certes un fleuve, ou l’inscription d’un cœur sur un mur, dans une pierre ou dans des ferrailles, mais au fond c’est tout, c’est l’énergie première parcourant le vivant.
C’est un parapluie, un coucher de soleil, des ballons en plastique, des grillages, des tapis volants.
Ours, majong, néons.
Petites mamies, filles à poil, ouvriers du BTP.
Amyp comporte aussi une carte du fleuve à déplier comportant des images, et au dos de laquelle se trouve un très grand polyptique.
On s’y perd, on rêve d’y être, on change en échangeant, on devient un peu russe, un peu chinois, un peu rien du tout, ce qui est parfait.

Emanuel Bovet et Orane Merz Kozieja, Amyp, Amour, mise en page Patrick Le Bescont et Céleste Rouget, Filigranes Editions, 2024