
©Jérôme Blin
Je ne sais pas si cet ouvrage tiré à deux cents exemplaires sur papier épais atteindra le bureau des médias patentés, et si quelqu’un en rendra compte de façon sérieuse, mais il est somptueux.
De livre en livre, Jérôme Blin approfondit son regard de délicatesse sur des territoires peu représentés.
Son dernier-né, La Nuit du bal, fruit d’une résidence ayant eu lieu en Lozère – vers Grandrieu – se regarde comme on entre dans un conte, ou qu’on erre dans un rêve éveillé.
Trois chapitres ponctuent cette œuvre sans texte de présentation : avant le bal, pendant le bal, après le bal.
Peut-être.

©Jérôme Blin
On pense pour la singularité de paysages pouvant faire songer à l’Amérique rurale au corpus d’Alec Soth, mais aussi, pour la triple sensation de concorde, d’étrangeté et de solitude, à l’esthétique de la Néerlandaise Louise Honée et de celle de la Britannique Vanessa Winship.
Il faut en prendre conscience, le quatrième livre de Jérôme Blin dépasse la seule dimension hexagonale, par sa façon de faire résonner les particularités d’un territoire avec quelque chose de bien plus vaste que lui, comme une poétique transnationale des êtres, des choses et des environnements naturels.
Tout ici est beau, mais ce n’est pas de la joliesse, plutôt un partage de l’indemne et du mystère d’être au monde.

©Jérôme Blin
Un agglomérat de cristaux de neige.
Des traces de pneu sur la glace.
Un regard de mélancolie.
Des escarpements montagneux gagnés par l’obscurité.
Dans la première et la troisième parties du livre, les blancs autour et à côté des images créent un climat de solennité et de froideur, quand les pages centrales se concentrent, en plans rapprochés, sur le corps à corps sensuel des danseurs durant un bal.
Tout semble d’abord figé, à l’arrêt, dans une tension de craquelures créées par le gel, l’hiver imposant son ordre de rudesse à l’espace et aux humains qui l’habitent.

©Jérôme Blin
Il faut se réchauffer, se rencontrer, se toucher, exploser ensemble.
Faire constellation.
Le noir a gagné les pages, c’est celui qui protège les noceurs et amants de la nuit.
Enfin, la vie doit reprendre son cours ordinaire, la magie de la fête s’est estompée, la fatigue gagne, les héros sont las.
La mort rôde : bois de cerf (chassé ?) tombés, flaque d’huile ou de sang sur le sol, cabane inachevée, tôles froissées des voitures envoyées à la casse.
Danse d’un orvet, danse des balles sur un stand de tir, danse des brumes.
Rien n’est vraiment droit, le calme n’est qu’apparent, un cheval rue.

©Jérôme Blin
Portrait d’un territoire très peu peuplé, La Nuit du bal montre des personnages semblant se tenir dans une profondeur de silence qui est aussi une solidité mentale.
Chez Jérôme Blin, tout est noblesse d’énigme existentielle.

Jérôme Blin, La Nuit du bal, Sur la Crête éditions, 2025 – 200 exemplaires

https://editionsurlacrete.com/23_NUIT-du-BAL-J-BLIN

©Jérôme Blin