
Promenons-nous©Vincent Gouriou
« En hiver, les toilettes ou les bosquets, c’est vraiment pas terrible. Cependant, en été, j’apprécie de prendre un peu l’air, c’est bucolique de se faire sucer au chant des grillons. » (Ph)
Tu cherches quoi ? est un livre très informé, précis, drôle, gênant, excitant, touchant.
Il s’agit d’une enquête, menée de façon immersive par son auteur Adrien Le Bot, architecte de formation, sur les lieux de dragues gay en milieu rural.
On y rencontre des hommes de tous milieux, de toutes catégories sociales, de toutes origines ethniques, célibataires, en couple, homosexuel ou non.
Ma : « Depuis le temps, j’ai croisé beaucoup de monde ici, j’ai rencontré des allumés et des gens très bien. Certains sont devenus des amis et je prends réellement plaisir à les retrouver. »
Les fantasmes et satisfaction sexuelles se vivent dans les bois, dans les stations autoroutières, dans des zones commerciales.
Tu cherches quoi ? est composé de témoignages – chaque chapitre, bref, comporte l’initiale du prénom du locuteur – adressés à un enquêteur quelquefois interpellé sur la raison de sa véritable présence en ces lieux : voyeurisme ? observation scientifique ? passe-temps de bobo parisien ? désirs à explorer ?
Des paroles de vérité émergent, elles sont précieuses, loin, quelquefois, des idées reçues.
To : « Je suis toujours très clair avec les mecs que je rencontre. C’est juste pour me vider. Jamais je pourrais dire ça à une fille. T’imagines ? Il faut la charmer, montrer patte blanche, l’inviter quelque part… Avec une fille, c’est des règles à respecter, il faut bien se tenir pour espérer, peut-être, si elle a envie, finir par un missionnaire dans le noir. Ici, c’est sauvage, on se touche le paquet au détour d’un chemin, tu prends ma tête du mec sans parler et tu l’emmènes là où tu veux qu’il aille. »
Les frustrations et obsessions sexuelles parfois peu acceptées socialement – devenir esclave, adorer les urinoirs, avouer un plaisir anal intense – invitent aux pratiques discrètes.
On ne sait pas, mais l’on sait, on devine, on est passé de l’autre côté, ceux que les bois parcourus de corps nus affamés ont initié.

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Il y a une topologie spéciale des lieux de rencontre, des routes un peu cachées, des attitudes corporelles à décrypter, des rites à apprendre, comme un code de la route très intime.
Ke se confie : « Quand un mec vient avec toi, tu as pas mal de chance qu’en le regardant, il soit déjà en train de te regarder. Là, c’est un moment très excitant, même si en fin de compte, il est attendu. Il y a toute une excitation qui monte, d’un coup. La sensation de durcir. C’est vraiment mon moment préféré, le reste c’est juste pour le fun. C’est ce moment, qui prend au ventre, l’échange de regard, voir la bite de l’autre qui durcit, que je recherche. »
Choisir un lieu de stationnement.
Ballet des voitures, pleins phares, portière ouverte.
Observer et comprendre.
Ch : « J’ai une préférence pour les hommes maghrébins, surtout s’ils sont en sportswear. Voir ces trois bandes blanches ou ces paires de Nike est quelque chose qui a le don de me rendre dingue. Ils font masculins, ils viennent peut-être d’une cité ou d’une barre HLM. Ils représentent quelque chose d’inaccessible. »
Curiosité, passage à l’acte, culpabilité, revenir malgré tout.
Il y a les amants réguliers, les occasionnels, les hommes rares.

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Découverte du chemsex – prise de drogue lors des rapports sexuels, week-end de baise, frénésie.
Re vient avec sa copine, ils sont « un peu » exhibitionnistes.
Th : « Parfois, je me promène même à poil, comme dans un jardin d’Adam et Eve, à la recherche du fruit défendu. Sauf qu’ici, c’est pas une pomme. »
Premières expériences à l’armée, à l’internat, sous les douches avec les copains.
Aller dans la nature, marauder, attendre, chercher chaussure à son pied.
Prendre l’air.
Ni : « Je viens toujours avec ma chienne ici, elle est vieille, la pauvre, mais elle connaît le bois par cœur. C’est ma fifille, elle est toute ma vie maintenant. Un vieux qui se promène tout seul ici, avec les familles et les enfants, ça fait louche. Là, au moins, les gens se disent que je viens pour promener mon chien. Et puis des gens s’arrêtent parfois pour lui parler, elle est très sociable. »
Les témoignages se succèdent, on ne s’ennuie pas.
Mi, qui se travestit : « Ma femme est au courant, oui. C’est une des plus grandes chances de ma vie que d’être tombé sur quelqu’un comme elle. Quasiment dès le départ, elle a trouvé des affaires de femmes dans mes tiroirs. (…) C’est même devenu un petit rituel le week-end avec ma femme, elle se prête au jeu. Il est même arrivé qu’elle m’accompagne ici, elle aime bien découvrir de nouvelles choses. C’est notre jardin secret, cette aire de repos. »
Ainsi va la condition masculine, entre désirs à assouvir, passion directe pour le corps, nuit sexuelle.
Ja : « Un de mes critères, c’est les mains. Un homme avec des grosses mains, c’est un homme qui travaille, qui est viril. Quand vous sentez une main d’homme comme celle-là, qui se pose sur vous, il n’y a plus de questions à se poser. Elle vous attrape et ne vous lâche plus. »

Adrien Le Bot, Tu cherches quoi ? Editions Allia, 2025, 128 pages
https://www.editions-allia.com/fr/auteur/579/adrien-le-bot

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Merci à Vincent Gouriou pour ses images

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