Sauveteurs en mer, par Philippe Artières, historien des moindres

La Grande Vague, Sète, 1857, Gustave Le Gray

« Prenez courage, j’arrive. »

Il est bon de lire Sains et saufs, livre rassemblant de brefs récits de sauvetage en mer recueillis par l’historien Philippe Artières, très inspiré par l’œuvre de Michel Foucault – lire/voir Les deux corps du philosophe, Le Point du Jour, 2021.  

Datés de 1891, 1901, 1911, 1921 et 1931, ces textes témoignent du courage et de l’humanité de gens ordinaires envers leurs frères humains.

Nous sommes en Polynésie, en Bretagne, en Vendée, en Grèce, sur la « côte du Viêt Nam », partout où la mer a rugi et où la malchance et l’étourderie furent causes de drame.

Attentif à la micro-histoire, aux actes échappant à la geste historique officielle, Philippe Artières porte le regard sur les invisibles ayant accompli des faits exceptionnels cependant consignés dans les archives maritimes.

On ne trouvera pas ici d’effet stylistique majeur, d’héroïsation des braves, mais, dans la collecte de ces pans de réalité uniques, une admiration humble pour ces êtres participant au marmonnement du monde sans rechercher aucunement leur quart d’heure de gloire.

Un commencement : un voyage en mer.

Un développement : une chute, un basculement, un naufrage.

Une fin : une vie sauve, la plupart du temps.

Témoignage, où la qualité de l’expression est aussi une sorte de haute vigilance : « Le 16 juillet 1891, à 8h30 du matin, le bateau de pêche n°683 du port de Calais, patron Charles Delpierre, sortait du bassin du Paradis pour aller à la mer. Etant au milieu du chenal, par le travers de la colonne, un homme de l’équipage de ce bateau tomba à la mer. Il allait probablement se noyer, lorsque l’aspirant pilote Dutertre (Emile-Pierre), l’un de nos canotiers de sauvetage, étant sur le quai et voyant le péril que courait cet homme, s’élança à la mer tout habillé ; il le rejoignit à 30 mètres du bord du quai, et le saisit par les cheveux au moment où il allait disparaître. Il le ramena vers le bord d’un bateau voisin où, avec l’aide d’autres hommes, on l’embarqua à bord. Après lui avoir donné les soins nécessaires, on le ramena à son domicile. »

On lit cela, on se tait, on espère posséder un tel cran s’il fallait à notre tour agir un jour.

Hommage en ces dernières lignes à tous ceux qui vont au secours des exilés perdus en mer, à la psychanalyste Anne Dufourmantelle, décédée en juillet 2017 dans le Var en tentant de sauver de la noyade un enfant, et à mon père qui me retira deux fois des eaux au moment où elles m’étouffaient, dans les Pyrénées orientales et en Ardèche.

Sains et saufs, Récits minuscules du sauvetage maritime, Textes choisis et présentés par Philippe Artières, Anacharsis, 2022, 126 pages

http://www.editions-anacharsis.com/Sains-et-saufs

https://www.leslibraires.fr/livre/21340338-sains-et-saufs-recits-minuscules-du-sauvetage–philippe-artieres-anacharsis?affiliate=intervalle

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