
©Jean-Marc Chapa
Avec Here, livre autopublié à cent exemplaires, Jean-Marc Chapa frappe fort, par le propos interrogeant à la fois la nature des images et la condition humanoïde-animale en ses points d’intensité (corps à l’épreuve, entre exhibition et abandon), et sa forme, inventive, baroque, dérivante.
Se présentant sous couverture cartonnée mauve montrant un squelette humain couché sur un cheval vu en transparence, Here est un cahier à spirale de grand format à la tranche jaune fluo.

©Jean-Marc Chapa
A l’intérieur, c’est un théâtre de la cruauté : des images sur papier fin gris souvent crues, photocopiées et rephotocopiées, mais aussi un ensemble de photographies sur calque scotchées aux quatre coins – trois sont agrafées -, mises en place à peu près symétriquement sur un papier lui-même jaune fluo comportant des rabats permettant, une fois dépliées, d’amples visions.
Aucun exemplaire n’est unique, le séquençage des images étant laissé à la discrétion de l’artmarker, terme qu’affectionnait Alain Jouffroy, et qui me semble désigner à propos le fabricateur souverain de cet ouvrage à nul autre pareil.

©Jean-Marc Chapa
Les femmes ne craignent pas de montrer les pétales de leur sexe, la nuit est torve, les palissades ont chu, Dieu est un scaphandre irradié, un poisson malade, une voiture translucide baignant dans une tombée de neige luminescente.
Le visage d’un homme apparaît, yeux fermés, est-il davantage que les globules qui le composent ?
Une belle, monstrueuse, étendue nue sur un lit, orifices bas ouverts, semblent attendre la résurrection.

©Jean-Marc Chapa
On est là, s’il n’y avait l’obstination de l’artiste à maintenir coûte que coûte un ordre, aux marges du fantastique, de la catastrophe terminale, du retour au chaos primordial.
Jean-Marc Chapa affirme ses obsessions : les moyens de la jouissance et la conscience, aiguë, de la mort.
Les êtres qu’il représente ont pris des coups, ils ont des cicatrices, sont fatigués, épuisés probablement par des années de luttes.

©Jean-Marc Chapa
La société est un piège à loups.
La société favorise le lynchage.
La société salit.
Montrant l’extinction de la joie dans l’asphyxie civilisationnelle d’un Occident contaminé, Here fait aussi le pari d’une contre-société par les flashs de rêves, le corps sans entrave, et la poésie des moindres.

©Jean-Marc Chapa
Dans Le théâtre et son double, Antonin Artaud pose ces mots : « une liaison magique, atroce, avec la réalité et avec le danger », « réveiller l’attention générale », « s’exercer comme des exorcismes renouvelés », « expression dynamique », « arracher ».
Aussi ceci (incipit du Second manifeste du Théâtre de la cruauté) : « Avoué ou non avoué, conscient ou inconscient, l’état poétique, un état transcendant de vie, est au fond ce que le public recherche à travers l’amour, le crime, les drogues, la guerre ou l’insurrection. »
Je ne vois pas autrement Here.

Jean-Marc Chapa, Here, autopublication, 2024 – 100 exemplaires numérotés

©Jean-Marc Chapa
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