Grandeur de la photographie anonyme, par la galerie Lumière des roses

© Lumière des roses

« Chaque image pourrait être l’amorce d’une histoire, d’un poème, d’un film, le point de départ d’une série d’autres images qui, en se recroisant, formeraient, comme dans Le Château des destins croisés d’Italo Calvino, un gigantesque échangeur de rêves et de fictions. » (Gilles A. Tiberghien)

Encore la photographie amateur ? Oui, encore, et même inlassablement.

Amateur ou anonyme, les noms sont oubliés, reste le geste, généralement pur, témoignant d’une foi dans le médium qui touche.

États-Unis,vers 1860. Ambrotype avec altération, 9 x 7 cm, Collection particulière © Lumière des roses

Pourquoi ? Pour la résurrection des corps et des situations, des émotions partagées, de la mémoire transmise.

L’exposition Lumière des roses, Eloge de la photographie anonyme, est l’une des plus enthousiasmantes cette année aux Rencontres d’Arles.

Les collectionneurs Marion et Philippe Jacquier, fondateurs à Montreuil de la galerie Lumière des roses, se considèrent à juste titre comme des chercheurs d’images, et sont parfois comparés à des orpailleurs.

Plus de 10 000 tirages argentiques ont été rassemblés en vingt ans, acquis par Antoine de Galbert, depuis la fermeture de la galerie, qui en fera donation au musée des beaux-arts de Grenoble.

La diversité des thèmes et des supports – daguerréotypes, plaques de verre, autochromes, ferrotypes, collodions… – impressionne, rien n’échappe à la pulsion scopique ou au désir de voir/savoir/conserver :  des scènes familiales, historiques, érotiques, des documents scientifiques, médicaux, judiciaires, animaliers, des tout et des riens.

© Lumière des roses

Eloge de la photographie anonyme témoigne d’une grande liberté, ce qui enchante.

Il y a de la joie, du deuil, du mystère, de l’humour, de l’inquiétant, et des références, quelquefois, à l’histoire de l’art.

On ne sait presque rien devant chaque photographie – on lit, ou non, la légende, s’il y en a une -, l’esprit invente, dérive, se perd, recompose, ce qui est un grand plaisir.  

On s’attache à un détail, à un visage, à un geste, on buissonne dans l’image, on robinsonne.

L’image se craquelle, le temps est palpable, l’œil se promène au bord de la disparition.

Des enfants, des familles, des couples d’amoureux.

De la tendresse, de l’exaltation, des éclairs.

De l’étrange, du fascinant, de l’audace.

Exercice de protection contre des raids aériens au gaz, Allemagne, 1933. Tirage argentique, 24,4 × 18,3 cm. Ancienne collection Marion & Philippe Jacquier / Donation de la Fondation Antoine de Galbert au musée de Grenoble © Lumière des roses

Les images défilent, et c’est notre humanité que nous contemplons, notre désir de beauté, nos secrets intimes, nos moments les plus rares.

Certaines photographies sont exceptionnelles, ainsi ce cavalier de Première Guerre mondiale, surgissant des brumes – probable fumée des bombes – portant comme son cheval un masque effrayant et saugrenu.

La guerre est là : blessures, champs de bataille, femme tondue.

La folie.

La mystique.

Le poétique.

On s’amuse, on se travestit, on se dénude.

On joue, on pose, on s’aime.

Au bord du tombeau, au bord de la chute, au bord de l’extase.

Passage d’un col dans les Pyrénées, France, vers 1920. Négatif souple, 6,5 x 8,8 cm. Ancienne collection Marion & Philippe Jacquier / Donation de la Fondation Antoine de Galbert au musée de Grenoble © Lumière des roses

Le choix des images dans le livre qu’édite Atelier EXB est remarquable.

On peut contempler chacune longtemps, la vie est surprenante, douloureuse, belle, et la photographie pour tous une invention géniale.

Lumière des Roses, Eloge de la photographie anonyme, textes Marion et Philippe Jacquier, Gilles A. Tiberghen, ouvrage dessiné para Nathalie Aguettaz et édité par Nathalie Chapuis, assistée de Camille Cibot, fabrication François Santerre, relecture Florian Berrouet, Atelier EXB, 2025

https://exb.fr/fr/home/670-lumiere-des-roses-eloge-de-la-photographie-anonyme.html

Photographe amateur anonyme. Sans titre, France, plaque autochrome, 1924. Avec l’aimable autorisation de la Collection Marion et Philippe Jacquier / Donation de la Fondation Antoine de Galbert au musée de Grenoble © Lumière des roses

Exposition éponyme, collection Marion et Philippe Jacquier, Donation de la Fondation Antoine de Galbert au musée de Grenoble, Les Rencontres d’Arles, Cloître Saint-Trophisme, du 7 juillet au 5 octobre 2025

https://www.rencontres-arles.com/fr/expositions/view/1613/eloge-de-la-photographie-anonyme

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