Portrait des Hauts de la Réunion, par Morgan Fache, photographe

©Morgan Fache

« Il faut redevenir classique par la nature, c’est-à-dire par la sensation. » (Paul Cézanne)

Publié de façon très élégante – couverture cartonnée entoilée comportant une image contrecollée, couture apparente – avec des textes en français, en anglais et créole, Les Hauts d’une île, de Morgan Fache, est composé de portraits superbes des habitants et paysages des Hauts de la Réunion.

L’aspect documentaire n’est jamais dissocié d’un regard poétique sur le quotidien, c’est-à-dire contemplatif, méditatif et de mystère quant à la façon dont les êtres s’incarnent, se disposent dans l’espace et agissent.

Le noir et blanc côtoie les photographies en couleurs, l’artiste travaillant avec finesse en véritable coloriste.

©Morgan Fache

Les Hauts d’une île est un livre d’atmosphère, une montée vers ces nuées – premières images – présidant au destin des humains.  

Des visages se présentent, graves, solennels, de grande intériorité, et des paysages vallonées, de luxuriance verte.

On entre ainsi dans le territoire de la Réunion, par l’humain et les lieux qui l’inventent, ou le façonnent.

Les Hauts, explique en préface la commissaire d’exposition Nathalie Gonthier, relève d’un imaginaire mythologique ancré dans l’histoire des marrons, « premiers habitants des criques du centre de l’île », Morgan Fache choisissant cependant d’explorer la logique des identités multiples plutôt que le folklore et l’imagerie vernaculaire.

©Morgan Fache

D’où vient-on ? De quelles hérités ? De quelles terres ?

Les Hauts d’une île ne discourt pas, mais expose le mystère des parcours individuels dans les formes singulières d’un lieu semblant aussi géophysique que spirituel.

Des brumes, des pluies, l’arête des cimes.

Les regards des personnages interrogent le spectateur, renvoyé à l’énigme de sa propre origine.

Comment vit-on ici ? comment se distrait-on ? comment se rencontre-t-on ?

©Morgan Fache

Les images de format carré mettent en place un théâtre où apparaître, qu’il soit celui de la rue ou de l’intimité des logis.

Ballet des générations sous l’œil impavide des montagnes fumantes.

Qui est roi ? qui ne l’est pas ? Les Hauts sont un royaume où se cacher, où se réinventer, où tout recommencer, où attendre quand il n’y a plus rien à attendre.   

Religiosité, communautés, solitude.

Jouer au loto, cultiver son lopin de terre, se penser ailleurs.

©Morgan Fache

En Haut, on peut échapper, du moins, c’est ce que croient les gens d’en bas.

Les Petits Blancs feraient-ils peur aux Gros Blancs, ces riches propriétaires héritiers des planteurs de canne à sucre ?

En Haut, précise l’historien Loran Hoarau, s’inventent de nouveaux modèles économiques, autour du géranium, du vétiver et du thé.

Symbole de plus grande liberté, parce que difficile d’accès, escarpé, secret, ce territoire est aussi un rêve, dont rend compte avec beaucoup de grâce et de délicatesse Morgan Fache.    

Morgan Fache, Les Hauts d’une île, textes Nathalie Gonthier, Loran Hoarau, Sergio Grondin, Sur la Crête éditions, 2025, 128 pages – 400 exemplaires

https://editionsurlacrete.com/22_HAUTS-d-une-ILE-Morgan-Fache-copy

http://www.morganfache.net/

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