La chorégraphie des amants, par øjeRum, musicien, collagiste

©øjeRum

La providence éditoriale enchante.

Des livres dialoguent sans s’être jamais rencontrés ou concertés, c’est merveille.

Paraissent ainsi simultanément deux livres de collages très beaux au thème similaire, Wild Flowers, de James Gallagher chez Depart pour l’image (Milan, Italie) et Ensomheden Vi Deler, du musicien et artiste visuel øjeRum chez IIKKI (Bretagne).

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Composé de trente-cinq collages se présentant sous couverture cartonnée, reliure suisse et jaspage vert fluo pantone, Le solitude que nous partageons (traduction du danois) présente sur papier épais la chorégraphie de deux amants dont le corps est composé de motifs végétaux ou naturels.

Ils s’enlacent, s’étreignent, se chevauchent, avec une sensualité qui est un summum de douceur.

Il y a interconnexion entre les espaces du dehors et les territoires du dedans, l’un est l’autre, l’autre est l’un, les amoureux véritables refondent l’ensemble du vivant.

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S’il n’y a pas de désir sans qu’interfère les fantasmes que véhicule la société, les deux aimés d’øjeRum ont pris la contre-allée : ils s’unissent loin des turpitudes et des calculs des zélateurs du temps présent, ils sont ailleurs, dans un espace parallèle, dans l’innocence et le feu délicat de leur danse érotique.

On ne voit pas leur visage, parce qu’ils sont des allégories de ce qu’il y a de mieux : une sexualité partageuse, joueuse, complice, clandestine, à la fois intense et pudique.

Ils sont allongés, leur chair est un manteau de lierre, ils sont parcheminés.

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On songe à l’art de l’estampe japonais, au film La femme tatouée, aux blasons médiévaux.

Pas d’exhibition, mais une métamorphose à deux.

Dans sa jouissance, le corps produit des fleurs, des constellations, des mers, des nuages et des montagnes.

A la façon des planches des albums de naturalistes d’antan, øjeRum inscrit ses personnages dans une histoire de la botanique, mais aussi celle des formes de l’histoire de l’art, sculpture antique, peinture classique, photographie primitive.

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Etant aussi musicien, le collagiste crée à la fois des paysages visuels et des compositions sonores, qui sont des textures de notes suspendues produisant chez l’auditeur-spectateur une sorte d’extase, ou d’ataraxie.

Rien n’est appuyé, tout est léger, attentif, intime, s’élaborant dans une surréalité qui n’est jamais de l’ordre de l’astuce, mais de l’opération alchimique effectuée à deux.

Deux êtres qui s’aiment en produisent un troisième qui les protège, c’est un ange, un enfant, ou un livre.

øjeRum, Ensomheden Vi Deler, directeur d’édition et publication Mathias Van Eecloo, IIKKI 029, 2025, 80 pages – 500 exemplaires numérotés et tamponnés à la main

https://www.iikki-books.com/

Livre accompagné d’un vinyle (200 exemplaires) et d’un CD (150 exemplaires)

https://www.iikki-books.com/iikki-029

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