Bonheur des ratés du mariage, par Jean-Christian Bourcart, photographe

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« Mon premier métier fut photographe de mariage. J’avais 18 ans et j’avais acheté pour l’occasion un costume marron en velours côtelé et des chemises italiennes. Cela me convenait bien de regarder les autres êtres heureux et d’être celui dont dépendait la mémoire du plus beau jour de leur vie. Et puis, je ne travaillais que le samedi, ce qui me laissait du temps pour penser à autre chose. Le photographe de mariage a un rôle central ; il est le seul à être si près des mariés du matin jusqu’au soir. Il est si près, il voit tout, il entend tout. Il conseille, arrange la robe, ordonne les foules familiales et fabrique les souvenirs répétant inlassablement un répertoire de poses éprouvées. » (Jean-Christian Bourcart)

Avec Jean-Christian Bourcart, qui a photographié toutes sortes de situations (rue new-yorkaise, Sarajevo en guerre, bordels de Francfort, clubs échangistes, images floues sur la vitre des appareils de projection dans les salles de cinéma…), le tragique existentiel devient souvent humour, ou points de grâce.

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Chacun en a conscience, la condition humaine est souvent pitoyable, féroce, médiocre.

Loin de se repaître du Mal, le photographe cherche bien au contraire ces moments où se déchire ce qui nous tient lieu de sérieux ou de carapace émotionnelle – les convenances, les normes, les identifications rassurantes – afin d’en faire apparaître l’absurde et la drôlerie sous-jacente.

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D’ailleurs, il ne cherche pas, il trouve, notamment des photographies invendues dans les poubelles ou archives des studios de mariage qu’il connaît bien, témoignant parfois d’une inventivité involontaire extraordinaire.

Indésirables dans les albums officiels, ces images disent pourtant la grande beauté des ratages qui n’en sont pas.

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Les photographies rescapées, échappées de l’ordre visuel dominant, sont quelquefois les plus fascinantes.

Le photographe de mariage est parfois un peu tyrannique, qui joue aussi fréquemment le rôle du premier des confidents, avant de disparaître très vite, la besogne accomplie, ayant compris beaucoup.

Champagne, larmes, éclats de rire, énervements, chaleurs, engoncements, gêne, bonheur, baisers.

Il y a des trésors chez les expulsés de la commande, casque à mise en plis, jarretelle, jambes sexy et culotte transparente, yeux torves, voilages déments.

On se galoche devant le représentant de l’Etat, on a trop bu, on se boude, on délire.

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Le mariage est la forme la plus sacrée du carnaval, jets d’eau spermatiques, début de nuit de noces avinée, enfants au galop dans la salle des fêtes, papy en costume impeccable affalé sur sa chaise.

Jeux de mains, jeux de bouches, jeux de pieds.

Il y a ici parfois du Martin Parr et du Nan Goldin inattendus, mais surtout du Jean-Christian Bourcart lorsqu’un panda en peluche regarde une mariée assise sur un canapé en sky, belle et étrange comme une infante de Vélasquez.

Jean-Christian Bourcart, Le plus beau jour de ma vie, texte Clarisse Gorokhoff, directeur des éditions Benoît Baume, responsables des éditions Bastien Forato & Corentin Delavie, conception éditoriale et graphique Bastien Forato & Lisa Cadot, assistés par Lisa Millot, fabrication Dorothée Xainte, collection SUB #01, Fisheye, 2023, 96 pages

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