Au bonheur des oignons, par Denis Brihat, photographe

© Denis Brihat

« Quand je suis sur un sujet, ce n’est pas que je tourne autour du sujet, c’est le sujet que je tourne. » (Denis Brihat)

Des oignons ?

Non, bien sûr, ce sont des acteurs, de grands tragédiens, des spécialistes du burlesque, des comédiens italiens.

Des singuliers, des irréguliers, des déjantés.

Chacun a sa personnalité, sa fantaisie, son grain de folie.

© Denis Brihat

En produisant Les Oignons, qui n’est pas un livre lacrymal, le mage Denis Brihat, maître du tirage et des virages, a composé bien davantage une galerie de portraits qu’un ouvrage légumier.

Regardez-les, dans le panier du marchand, mêlant leurs chevelures ébouriffées, ce sont des gamins irrésistibles.

Rabougris, fanés, chenus, ils sont encore jeunes dans la métamorphose, en un mot craquants comme de fougueux adolescents.

Leur vigueur perce leur faîte : ont-ils la tête à l’envers ? Affirmatif.

© Denis Brihat

Avec eux, c’est carnaval tous les jours.

Sortez les masques et les cymbales, et faites la révérence lorsque le char s’avance.

Quelle souplesse ont ces athlètes, de vrais gymnastes bulgares.

Leur dégénérescence est un éveil : voici votre destin, affirme le sage zen.

© Denis Brihat

Les Oignons serait-il une œuvre testamentaire ? Oui, peut-être, mais au sens du memendo mori farcesque et terriblement séducteur, pour les siècles des siècles du jeune-vieux médium ogresque.

Et quelle délicatesse dans les pelures associées en fleurs, quelles transparences, quelles subtilités dans les jeux de l’érotisme des fins téguments abouchés.

Quelle puissance d’aspiration dans la coupe franche qui en révèle les dessous.

Photographiées quelquefois sur fond noir, ce sont des planètes inconnues flottant dans l’infiniment grand.

© Denis Brihat

Laissez-nous vivre selon notre désir, disent ces lacaniens qui s’ignorent (les meilleurs).

No pasaran, lancent ces insurgés.

Sus aux ennemis de la diversité, clament ces révolutionnaires tendance. 

Droit à la paresse, murmurent ces extralucides.

Gaston Chaissac est là, et Henri Michaux, et Pierre Alechinsky, Denis Brihat est bien accompagné.

Et, tête d’oignon, viens que je te l’enlace, viens que je t’embrasse, viens que je m’amourache.

Des natures mortes ? des planches de botanique ?

© Denis Brihat

Mais non, en sa haute sapience, Michel Poivert tranche : ce sont des « fétiches ».

« L’oignon est un astre et une cellule, une branche et un pli de chair. Sa structure témoigne de sa génétique de croissance, c’est un précis de mûrissement. Sa couleur innommable que traduisent les virages à l’or, réalisés sur les tirages argentiques, crée une teinte que seule celle d’une peau peut évoquer : une membrane devenue surface, une foliation devenue parure, une couleur qui est tout aussi bien une matière. »

Oh, comme tout cela est follement sensuel.

Denis Brihat, Les Oignons, textes Michel Poivert et Denis Brihat, édition Fabienne Pavia et Frédéric Lecloux, Le Bec en l’air, 2023, 124 pages

https://www.denisbrihat.com/

https://www.becair.com/produit/les-oignons-de-denis-brihat/

https://www.leslibraires.fr/livre/22547498-les-oignons-de-denis-brihat-denis-brihat-michel-poivert-bec-en-l-air?affiliate=intervalle

Un commentaire Ajoutez le vôtre

  1. Avatar de luciemarignac luciemarignac dit :

    une page de blog aussi belle et savoureuse que son objet, ce livre sera ma prochaine découverte, merci de cet exercice quotidien auquel vous vous astreignez et que vous nous partagez, on en ressort plus léger, plus perspicace, meilleur.

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