The Big Sleep, par Philippe Blayo, photographe

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©Philippe Blayo

« Rien de plus mystérieux qu’une télé qui marche dans une pièce vide. » (Jean Baudrillard, Amérique, 1986)

Aux Etats-Unis, la surface est profondeur.

Rien de plus mystérieux en ce pays avalé par le simulacre qu’une signalétique plantée dans le désert ne menant à rien.

Avec American Decorum, Philippe Blayo fait le portrait d’un espace peuplé de signes étranges et de vide.

©Philippe Blayo

La fête est finie, mais a-t-elle jamais commencé ?

Dans le flux des représentations envahissant les consciences, il y a des restes, des arrêts, des stases : une voiture abandonnée, une palissade en tôle effondrée, un téléphone semblant attendre derrière une vitre depuis une éternité, les infrastructures d’une usine rouillée.

American Decorum, c’est le grand sommeil des signes, les restes d’un théâtre aux portes closes depuis longtemps, mais aussi une sorte d’inquiétude eschatologique.

Nous sommes au jour du Jugement Dernier, au moment de la pesée des âmes.

©Philippe Blayo

Qu’as-tu fait de ta vie ?

Qu’as-tu fait de l’amour ?

Planent en des territoires vidés de leurs habitants les corbeaux du Nevermore déchirant par leur cri d’alarme le silence des hautes solitudes.

On voit une croix, une chapelle, une inscription sur le sol : Jesus Saves.

Dieu n’est pas tout à fait mort, son fils est assis sur une banquette de diner dans quelque territoire lointain, mais il est invisible.

©Philippe Blayo

Pollution, marques de désolation, langage qu’on retourne comme un sablier de rêve pour chercher à le revitaliser : Future in it, est-il marqué en rouge quelque part.

Les Indiens ont été massacrés, mais ils ont gagné : voici un totem sauvage, un nuage frère, un dialogue entre deux arbres frappés par la foudre près desquels se rassembler pour faire tomber la pluie.

Le regard de Philippe Blayo, très attentif à la façon dont la géométrie structure l’espace, est de dimension métaphysique, interrogeant le temps et sa possible disparition dans une sorte d’éternel présent maléficié.

Les extraterrestres ont pris possession de la Terre – il y a là une soucoupe volante, là les jambes de fer d’un robot -, les derniers vivants humains ont fui, le film à grand budget ne sera vu par personne.

Un lézard se confond avec une banquette, ou une banquette se confond avec un lézard.

©Philippe Blayo

American Decorum est une extériorisation jungienne, « un voyage intérieur » (Philippe Blayo) de « lyrisme sec » (Jean-Christophe Béchet) matérialisé en points de couleur et lignes brisées.

Dans la perte générale et l’incommunicabilité, des significations persistent, qui sont drôles, absurdes, grotesques, effroyables.

Philippe Blayo, American Decorum, textes Philippe Blayo et Jean-Christophe Béchet, conception graphique Dominique Gaessler, Trans Photographic Press, 2024, 96 pages

https://www.philippeblayo.com/

©Philippe Blayo

https://www.transphotographic.com/produit/american-decorum-de-philippe-blayo/

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