
©Yasuhiro Ishimoto / Atelier EXB
Une exposition magnifique et d’importance, dont les photographies sont presque tous des originaux gélatino-argentiques tirés par l’artiste lui-même, un livre qui ne l’est pas moins, voici Yasuhiro Ishimoto, au BAL (Paris) et chez Atelier EXB pour la publication d’un livre impeccable relié sous fourreau rendant compte, dans un noir profond offrant une lecture précise des motifs, d’une œuvre méconnue en France.
Formé au New Bauhaus de Chicago, introducteur du modernisme au Japon (autonomie des formes géométriques, étrangeté des présences, surréalité ordinaire, variations dans la sérialité), Ishimoto se situe à la jonction de la street/straight photography américaine et de l’esthétique japonaise faisant du vide un principe structurant.
Le photographe, ayant indubitablement nourri l’art des auteurs de la célèbre revue Provoke, expérimente sans perdre la notion de document propre à la tradition américaine.

©Yasuhiro Ishimoto / Atelier EXB
Comportant quatre dépliants permettant de contempler et méditer dans leur ampleur des œuvres iconiques de l’artiste (les jambes de plagistes, série Chicago Beach ; la composition graphique de la villa Katsura à Kyoto), l’ouvrage Des lignes et des corps, se concentrant sur les premières décennies de son œuvre, expose une double influence, celle de Aaron Siskind et des recherches formelles de ce photographe proche de la peinture expressionniste, ainsi que celle de Harry Callahan, plus centrée sur l’humain mais dans une dimension d’abstraction et de décontextualisation.
« Quand il revient en 1953 dans un Japon encore très marqué par la guerre et la photographie de reportage, précise la fondatrice et codirectrice du BAL Diane Dufour, à l’initiative de la présentation d’Ishimoto en France, son œil très construit, considéré comme « froid », dépourvu de sentimentalité, détonne, mais va aussi libérer la photographie japonaise de l’injonction de témoigner, de rendre compte avec empathie, de raconter. »
Des jambes, des poils, des pieds, des fesses, Ishimito photographie la position des troncs de corps dans l’espace jusqu’au vertige.

©Yasuhiro Ishimoto / Atelier EXB
C’est maintenant les séries Démolition et Chicago, une atmosphère à la Lewis Hine, des édifices en ruine, des enfants loqueteux, Blancs et Noirs, la misère, mais aussi le peuple des adultes, entre inquiétudes et joies simples.
C’est ainsi que les hommes vivent aux Etats-Unis d’Amérique, alors que la neige efface les formes (série Snow) et prend possession de la ville.
Yasuhiro Ishimoto photographie des portes (Doors), qui semblent donner sur de noirs mystères.
Passage à Tokyo, entre traits ethnoculturels et inscription des êtres dans un espace à la Mondrian.

©Yasuhiro Ishimoto / Atelier EXB
Est-au à Chicago ? Est-on au Japon ? On ne sait plus.
D’où proviennent cette cannette écrasée, cette feuille d’arbre, cette trace dans la neige ?
On le comprend, le vrai pays d’Ishimoto est celui de la photographie comme espace mental.
La découverte de cet artiste majeur est une joie.

Yasuhiro Ishimoto, Des lignes et des corps, direction d’ouvrage Diane Dufour, textes Mei Asakura, Agathe Cancellieri, Diane Dufour, Yasufumi Nakamori, éditrice Nathalie Chapuis assistée de Camille Cibot, conception graphique Coline Aguettaz, fabrication Charlotte Debiolles, Atelier EXB / LE BAL, 2024, 216 pages

©Yasuhiro Ishimoto / Atelier EXB
Exposition éponyme, Le BAL (Paris), du 19 juin au 17 novembre 2024
https://www.le-bal.fr/2024/05/yasuhiro-ishimoto-des-lignes-et-des-corps
