
©Céline Levain
« les ombres / dans leurs yeux / on les voit » (Pauline Delabroy-Allard)
Il faut souligner la grande qualité des ouvrages – dix-huit à ce jour – publiés par la maison d’édition nantaise Sur La Crête (Jérôme Blin, Gaëtan Chevrier), pour un prix restant relativement démocratique, ce qui est désormais rare dans l’univers du livre photographique.
Dernier titre paru, Captives, de Céline Levain, est une œuvre composée de portraits de femmes en prison – à la maison d’arrêt d’Angoulême et au centre pénitentiaire de Vivonne -, associés à des paysages, intérieurs ou extérieurs, photographiés/inventés par l’artiste à partir des conversations avec les détenues.

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Captives est un livre pudique, où les portraits témoignent de la profondeur de sensibilité des femmes incarcérées.
Beaucoup ferment les yeux ou se cachent le visage, il y a à la fois risque et puissance à se montrer vulnérable.
Photographiées sur fond brun, donnant la sensation de surgir d’un abyme, ces femmes écartées par la société sont d’une présence intense, l’attitude d’introspection de chacune relevant d’un secret incommunicable.

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Il y a le temps de parole, le temps d’écoute, et le temps de l’acte photographique, qui inscrit les corps dans le temps long des représentations et de l’histoire de l’art.
Sur le rabat jaune pâle du livre sont inscrits, comme autant de tessons dans une mosaïque, les noms des femmes ayant participé aux ateliers photographiques menés par Céline Levain : Audrey, Andgel, Myriam, d., Sevanie, Stoyanka, Amélie, Alexandra, Aline, Wendolin, Cécilia, Alysia, Agnès, Jen, Lolita, Lucrecia, Cindy.
En préface, Pauline Delabroy-Allard écrit : « elles se balancent / entre deux rives / entre deux vies / pour l’éternité / et c’est ce balancement précis / qu’a saisi Céline Levain / un balancement infime / un mouvement intérieur / un rythme pianissimo / qui maintient en vie / qui permet d’attendre / le jour suivant / le jour suivant le jour suivant / le jour suivant le jour suivant le jour suivant »

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L’une porte une croix sur le front, une autre a les paupières peintes en fuchsia, une autre paraît si jeune, une enfant.
Mais que voit-on derrière les papiers calques épais ponctuant le livre ?
La zébrure d’une écume de mer, un courant invisible, un sillon.
La structure d’un pont dans la nuit.
Un sommet de montagne, sucre ou sable, matière de rêve.

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Un fouillis de plantes tropicales.
Des lueurs à l’horizon sur les cils de la mer.
Un lac calme où glissent des canards.
Des rougeurs végétales, un jardin de poussière fantastique, du blanc.

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Captives ne discourt pas, n’expose pas, mais révèle des singularités, des énigmes d’êtres en leur beauté chaque fois impressionnante.
En couverture apparaît une femme composée de toutes les autres, comme une déesse indienne.

Céline Levain, Captives, texte Pauline Delabroy-Allard, Sur La Crête éditions, 2024 – 400 exemplaires
https://www.celinelevain.com/gallery/accueil/

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