Devenir qui l’on n’est pas, mais l’être, par Françoise Champault, écrivaine

C’est un livre aussi puissant qu’il est ténu, de peu de pages, bref.

L’incipit de Dans les pas du tigre, de Françoise Champault, est de l’ordre du mystère, la curiosité est levée, il va falloir mener l’enquête, et suivre pas à pas les découvertes d’une auteure partie vivre au Japon : « Le sort s’acharne sur moi et mon identité vacillante. Voilà que je m’appelle Fenco Emmanuili, et je me demande si Fenco est mon prénom et Emmanueli mon patronyme, ou si ce n’est pas l’inverse. L’ensemble me semble sonner vaguement corse ou italien, mais je suis paraît-il allemande, langue dans laquelle je ne sais que dire plus que quelques mots. »

Les livres lus ou passés par la bouche de nos parents durant l’enfance forgent profondément notre caractère.

Ce ne sont pas forcément les plus grands textes de la littérature mondiale, mais peu importe.

« Mon tempérament indécis, confie la narratrice, pour ne pas dire schizophrénique, trouve son origine, j’en mets une main à couper, dans le double culte de saint François d’Assise et de Marlaguette. Etre élevée aux deux mamelles de l’histoire de cette petite fille et de celle du loup de Gubbio : de quoi rendre complètement marteau. »

Marlaguette ? Une petite fille ayant demandé au loup qu’elle avait soigné de devenir végétarien, mais lui rendant sa liberté de carnivore devant la perte progressive de ses forces.

Maintenant, interroge-toi, lecteur : Quels sont les livres de ta vie ?

On peut, comme la conteuse de Dans les pas du tigre, partir vivre adulte au Japon parce qu’on a découvert, enfant, dans un livre vaguement ethnographique, la vie de Noriko, une petite Japonaise très sérieuse habitant une grande ville.

Et se souvenir qu’un des ouvrages marquants de sa prime jeunesse fut Chendru et son tigre, racontant l’amitié d’un jeune indien de la tribu des Murias pour un tigrillon ramené par son père.

L’animal grandissait, et la petite lectrice avait pu se demander s’il ne dévorerait pas l’humain qui l’avait recueilli.

« Il était beaucoup plus facile, explique-t-elle, de rejoindre le monde de Noriko avec ses trains et ses routes que celui du petit Indien. Comment faire pour se repérer dans la jungle ? »

Tapant le nom de Chendru sur Google, la voici qui découvre, par un article de presse, l’identité de ce personnage mythique, apprenant qu’il vivait toujours, mais dans la misère la plus noire.

Il faut l’aider, le retrouver.

Un mail à l’ambassadeur de l’Inde au Japon est envoyé, qui répond, et demande à ses services de se renseigner.

La suite ?

Il serait dommage de vous dévoiler ici comment la narratrice est devenue allemande, sous l’identité évoquée précédemment.

Par contre, si vous savez ce qu’est devenu le tigre du protagoniste du film du Suédois Arne Sucksdorff L’Arc et la flûte présenté à Cannes en 1958, je suis, comme Françoise Champault, preneur.

Françoise Champault, Dans les pas du tigre, Les Petites Allées (Rochefort), 2024, 30 pages

https://www.lespetitesallees.fr/edition/les-collections/dans-les-pas-du-tigre/

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