Une femme dans la poudre du temps, par Leila Forés, photographe

©Leila Forés

Les éditions Possibles, situées à Barcelone, inventent depuis quelques années des livres photographiques parmi les plus beaux d’Europe.

Je les ai peu présentés, c’est un tort, attendez-vous dans les semaines qui viennent à une avalanche de beauté.

Se présentant sous couverture entoilée rose pâle et typographie très élégante, Promenade de Leila Forés est un livre éminemment musical.

©Leila Forés

Composé au son des chansons/morceaux de Yiruma, Amy Winehouse, The Cinematic Orchestra, Leonard Cohen, Eleni Karaindrou et Pomme (liste non exhaustive), cet ouvrage pourtant silencieux donne la sensation de poursuivre un fantôme particulièrement désirable.

On y suit, en des noirs et blancs floutés merveilleusement suggestifs, les errances intérieures d’une femme au visage noble et grave.

Le papier est épais – donnant l’impression d’être massicoté à la main -, permettant aux images de se déposer dans la profondeur de la peau des pages.

©Leila Forés

Il y a un miroir de guingois, un mystère, de la sensualité.

On peut penser à Francesca Woodman, et à son héroïque tentative de s échapper d’elle-même.

La lumière de faible intensité donne à chaque angle du visage et du corps de la femme se représentant un tranchant qui émeut.

Elle est là mais pourrait très vite disparaître, d’ailleurs elle est déjà partie, se dédoublant, superposant ses lignes, s’autodévorant.

©Leila Forés

Par la pratique intensive de l’autoportrait, Leila Forés cherche à saisir son identité profonde, et à se libérer d’elle-même.

Quelque chose insiste de la forme, l’ovale du visage et des lèvres, la largeur du front, une cuisse nue se dégageant d’une robe fine, que traverse l’œil photographique visant à la dilution du moi.

L’image est quelquefois altérée, brouillée, la métamorphose a lieu, de l’existence à l’être.

©Leila Forés

Se terminant par un leporello, Promenade observe la façon dont une femme traverse sa propre apparence, faisant de la vibration intime la matière même d’une poétique photographique opérant un retournement du regard.

Une femme au port altier danse, dénoue ses cheveux, devient image flottante, puis poudre du temps.

Leila Forés, Promenade, edicion Alex Llovet, diseno Underbau, coordination de la impresion Dani Rodriguez Camus, Ediciones Possibles, 2024 – 400 ejemplaires