©Jocelyne Forgeot
Préférer ce qui dure à ce qui se déconstruit trop vite, et mal.
En Mauritanie, en-dehors de la capitale Nouakchott, la photographe et grande voyageuse Jocelyne Forgeot a rencontré le temps, une forme d’immuabilité, une vie organisée sans hâte.
« Oui, le temps s’arrête parfois, avance l’écrivain mauritanien Mbrarek Ould Beyrouk dans la belle préface qu’il consacre à l’ouvrage L’horizon pour toute demeure. Il lui arrive de nous regarder. A travers les photos de Jocelyne Forgeot, on sent une vie qui nous observe, un monde qui pénètre en nous. Magie de la photo, les rôles s’inversent, ce sont les yeux d’un monde figé dans son austère splendeur qui plongent en nous et nous racontent une histoire muette qui caresse en nous des sensations profondes. »
©Jocelyne Forgeot
Ce sont d’abord des vagues de dunes orangées, un sable saharien très fin, quelques touches végétales.
Composé de six parties, L’horizon pour toute demeure offre une vision riche et paisible d’un pays méconnu, menacé aujourd’hui par le djihadisme.
Des ânes attendant qu’on les emploie, des habitations précaires, des enclos de fortune pour les chèvres.
Les couleurs éclatent, qui sont présence divine, joie d’être.
Dormir sur une natte alors que le soleil s’infiltre sous la toile de tente.
©Jocelyne Forgeot
Attendre sereinement, prier, se livrer aux occupations quotidiennes.
Prendre le thé de façon cérémoniale.
Il y a des oasis, des mains tatouées, des visages nobles et graves, et tout un effort de coquetterie (bijoux, tenues, postures).
Des détails se lèvent dans les nuits que se plaît à photographier l’artiste, quelques marchandises dans une boutique ouverte, et des silhouettes qu’éclaire à peine quelque source de lumière indirecte.
©Jocelyne Forgeot
C’est le chant du monde et du muezzin enregistré, des êtres rassemblés près d’une mosquée modeste, la liberté des couleurs entrant en sous-conversation dans l’espace et dans l’image.
Ecoles coraniques, femmes polychromes très voilées, bricolage existentiel.
Caravanes de dromadaires, dômes des tentes dialoguant avec ceux des dunes, beauté des visages et des regards.
Mauritanie est saharienne, sahel et savane.
Elle est aussi mystère, présence considérable des choses, dessins géométrisés dans la cité endormie de Oualata.
©Jocelyne Forgeot
Mariem Derwich écrit superbement : « C’est la terre des griots, mélodies nées dans le cœur de l’immense continent africain et refaçonnées par les miens, pour que le frisson soit et que l’extase naisse et renaisse dans les harmoniques des notes noires, des notes blanches. Mon pays est nomade et sédentaire, il rêve encore qu’il marche, il rêve qu’il dort dans une ville oubliée. Dans une épopée à la hauteur de l’immensité de mon pays. »
Voilà, L’horizon pour toute demeure est une épopée dont les héros sont de simples villageois, hommes et femmes des sables jamais très loin des mirages.
Jocelyne Forgeot, L’horizon pour toute demeure, préface de Mbrarek Ould Beyrouk, textes de Mariem Derwich et Jocelyne Forgeot, direction artistique et design Clémence Erimo, direction éditoriale Camille Gallet & Gilles Cargueray, photogravure Christpphe Boënnec, Editions Odyssée, 2024
©Jocelyne Forgeot
Le blog de Fabien Ribery 