
©Tempé Storm Cole
Situé en Géorgie (USA), construit pour alimenter en eau la ville d’Atlanta, le lac artificiel Lanier est objet de fantasmes.
Il a fallu pour construire ce barrage de quarante-et-un kilomètres de long sur la rivière Chattahoochee engloutir une ville, des cimetières, une ancienne piste automobile, des fermes.
Tempé Storm Cole a parcouru ses rivages, a écouté les histoires qui y sont associées, de tonalité parfois fantastique.

©Tempé Storm Cole
La photographe a tout vu, n’a rien vu, il n’y a rien à voir, et tout à voir.
Le lac serait-il hanté ?
On parle d’une Dame flottant sur ses eaux, les légendes attirent les touristes, qui viennent en nombre.
« Ce lac, confie l’artiste, a été un lieu frustrant pour moi. Un espace clos qui refuse de libérer ce qu’il contient et contamine tout ce qui l’entoure. En y allant, en arpentant ses rives, il n’y a pas grand-chose à voir, pas de ruines ou de traces de son histoire. De l’eau et encore de l’eau à perte de vue. Il se dégage du lac quelque chose de profondément curieux : la terre du rivage est rouge, elle contient du mica, qu’on appelle l’or des fous. »

©Tempé Storm Cole
Très bien édité par Bluff Books, More water than eye could see rend dont compte d’une déception, la photographe donnant la sensation de s’être elle-même transformée en spectre.
Une carte du Lac Lanier publiée par l’U.S. Army en 1970 est insérée dans chaque exemplaire, l’errance de la promeneuse solitaire prenant l’allure d’une robinsonnade doublée d’une introspection.
Dans ce paysage aquatique où les îles sont des cimes de collines, Tempé Storm Cole s’attache à contempler des reflets, des rais de lumière, des objets abandonnés, des incongruités.
On marche avec elle, les herbes et branchages des sous-bois crissent sous nos pas, il y a un sentiment de déréliction.

©Tempé Storm Cole
Espace géophysique, le Lac Lanier est aussi un territoire mental, une zone vide, une œuvre ouverte.
Et je songe maintenant à l’ouvrage d’Antoine Picard sur le lac de Salagou (Le Lac, Créaphis Editions, 2024) avec lequel il serait intéressant de faire dialoguer celui que publie Bluff Books.
Avis aux curateurs, universitaires, amateurs, éclaireurs.

©Tempé Storm Cole
Avis aux Indiens.

Tempé Storm Cole, More water than eye could see, Bluff Books, 2025 – 150 exemplaires

©Tempé Storm Cole
https://www.progressgallery.com/artistes/temperance-cole-storm

©Tempé Storm Cole