Un nouveau commencement dans le domaine de la pensée, Martin Heidegger, par David Gowin (3)

 

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Pascal David a reçu de Friedrich-Wilhelm von Hermann la lettre qui suit, adressée à son attention par David Gowin, vivant à Jérusalem.

Elle me paraît importante.

Je la diffuse donc sans tarder.

En ces temps de Heidegger bashing, il importe de travailler à la désoccultation d’une pensée que les commentateurs hâtifs ou malveillants cherchent à faire disparaître.

« Cher Monsieur le Professeur von Herrmann,

 Je suis très heureux, et je vous en sais gré, qu’une voix s’élève, la vôtre, pour dire que la pensée de l’être chez Martin Heidegger n’est pas antisémite. La pensée de Heidegger se caractérise en effet par le fait qu’elle s’occupe exclusivement de la question fondamentale en quête du sens de être (Être et temps), ou de l’“être comme tel”. La pensée de l’être, et Heidegger n’a jamais cessé d’y insister, est une pensée qui ne constitue qu’une étape, dans la mesure où si elle cherche bien à thématiser la question de l’être comme l’impensé du premier commencement dans la pensée grecque des Présocratiques, c’est afin de risquer un nouveau commencement dans le domaine de la pensée.

Ni dans Être et temps (1927) ni dans les autres œuvres philosophiques de Heidegger ne se trouvent, à mon avis, des passages antisémites, nulle part non plus le judaïsme ou la caricature du Juif par l’antisémitisme n’y joue le moindre rôle. Car la pensée de l’être est en tant que pensée purement philosophique, comme vous le remarquez à juste titre, cher Professeur von Herrmann, entièrement dénuée de quelque inféodation idéologique que ce soit. C’est bien connu, la pensée de Heidegger cherche à dégager le fondement de la métaphysique, qui jusque là s’est toujours contenté, quant à elle, de penser à l’être d’un étant en tant qu’étant (Aristote), mais sans s’enquérir de l’être lui-même. C’est précisément pourquoi la pensée de l’être chez Heidegger, de la différence ontologique, ne s’en tient pas à l’être d’un étant, mais questionne de manière radicale en direction de l’être comme tel. Seule une métaphysique axée sur l’être d’un étant serait susceptible de comporter certains traits idéologiques relevant de telle ou telle Weltanschauung ou vision du monde, ce qui, comme vous l’avez souligné, n’est justement pas le cas en l’occurrence, à savoir dans la pensée de l’être chez Heidegger, et irait même totalement à l’encontre de sa foncière intention.

Hélas, jusqu’à présent certains interprètes de Heidegger semblent n’avoir pas pu ou voulu s’engager véritablement sur le chemin de pensée de Martin Heidegger, ce qui est pourtant nécessaire afin de pouvoir se réapproprier le véritable contexte à partir duquel Heidegger philosophe. Pour cette raison, je vous saurai toujours infiniment gré, ma vie durant, de m’avoir guidé, par vos études philosophiques relatives à la pensée de Martin Heidegger, sur le chemin de sa pensée par une interprétation fidèle de son œuvre, me permettant de comprendre l’affaire de la pensée chez Heidegger.

Avec toutes les meilleurs bénédictions de la Ville Sainte, Jérusalem !

Votre

David Gowin

Jérusalem, le 28 mars 2018″

(traduit de l’allemand par Pascal David)

hermann-heidegger
Friedrich-Wilhelm von Hermann et Martin Heidegger

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