Bangkok, le prix des nuits, par Yan Morvan, photographe

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©Yan Morvan

Les gestes libres sont rares aujourd’hui, où la morale de bas étiage valant certificat de bon comportement remplace la pensée et l’expérience.

Yan Morvan est de ces photographe aimant la chair du monde, les rencontres directes se passant de bavardages, la vie sans masque, ni jeux de salon.

L’ouverture régulière de ses archives, récemment irlandaises et libanaises, est chaque fois une surprise, tant on y constate la même puissance de regard, le même appétit concernant l’humaine condition en ses multiples zones de tension, de férocité et de fragilité.

Son dernier opus, BKK, publié par les éditions Noeve (Bertrand Brillois), est un reportage de plusieurs mois dans la capitale Thaïlandaise ayant eu lieu dans les années 1980.

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©Yan Morvan

Pigiste à l’agence de presse Gamma, Yan Morvan est alors un jeune homme, découvrant en Thaïlande le tourisme sexuel dans sa dimension mondialisée.

Le photographe ne juge pas, mais témoigne de la réalité d’une prostitution omniprésente, s’attachant à rendre compte des visages et des situations, des corps et de leur marchandisation, mais aussi de la vie quotidienne dans une ville bourrée d’enfants et de petites girls attendant leur client.

L’argent circule abondamment, comme l’alcool et la drogue.

La nuit est un hors-monde, mais il se pourrait bien qu’ici le jour n’existe pas vraiment.

Les corps sont jeunes ou las, pleins de grâce ou meurtris, quand les sourires ont pour premier emploi de cacher la fatigue et de ne surtout pas se dévaluer sur le marché du désir tarifé.

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©Yan Morvan

Les Occidentaux achètent leur part de rêve, assouvissant leurs pulsions et leur besoin de tendresse.

Car dans l’objectif du photographe la douceur, feinte ou assumée, prime sur la violence et le saccage des dignités.

Le peuple est là, dans la rue et les boites de strip-tease, dans les marchés et aux abords des grands hôtels, sur le pavé et dans les lits.

Saunas, restaurants, clubs privés, appartements, Yan Morvan ouvre Bangkok qui s’ouvre à lui, le photographe ayant acquis la confiance de femmes lui permettant d’accéder à leur univers familier.

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©Yan Morvan

Féérie de lumières, et rapacité des proxénètes, regards aguicheurs et narcissisme des boys, naïveté des uns et rêves illusoires des autres.

Des bébés, des biberons, des communautés de femmes.

Des transsexuels, des familles à moto, des travailleuses du sexe jouant aux cartes.

Des déshabillés et des maillots de bain, des bijoux et des robes à dos nu.

Des salles d’eau et des chambres sordides, des clandés et des bars d’extérieur.

Dans un texte important, bien éloigné du politiquement correct, le photojournalisme raconte : « Dans les bars des quartiers de Bangkok, passé minuit, le flash de la nuit s’imprime sur ma rétine comme une explosion atomique. Locataires des hôtels borgnes fétides, abritant les passes à 30 ou 40 Baths. Sur ces femmes on monte à plusieurs pour amortir les coûts, comme dans l’autocar. Un sur le siège, un débout en équilibre et le troisième accroché à la portière. Pour oublier, assumer, entretenir, on boit du Mekong, la drogue locale autorisée, savant panachage de fiel de bœuf et d’eau du Klong, qui rend aveugle. »

Voici BKK, de Yan Morvan, le premier des réalistes.

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Yan Morvan, BKK, texte (français/anglais) de Yan Morvan, Editions Noeve, 2019, 176 pages – 110 photographies

Editions Noeve

Yan Morvan – galerie Sit Down (Paris)

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2 commentaires Ajoutez le vôtre

    1. Momo dit :

      Y’a qu’la vérité qui blesse…

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