Namur, jungle septentrionale, par Pierre Rahier, photographe

©Pierre Rahier 

Qui connaît la forme de sa ville, aussi mouvante que fumées ?

Namur, située à la confluence de la Meuse et la Sambre, apparaît au premier abord comme une ville quiète, plutôt prospère, abritant un beau musée conservant des œuvres érotiques de Félicien Rops.

J’y suis allé plusieurs fois, je me suis attardé dans un café albanais avec Alexandre Christiaens, oui, mais encore ?

©Pierre Rahier 

J’ouvre Namur, premier livre de Pierre Rahier, j’entre dans la multiplicité d’une ville aux contours insaisissables, j’y erre, je m’y perds, c’est parfait.  

Les images sont en couleurs & noir et blanc, il n’y a pas de principe hiérarchique, l’hybridation mène la danse, dans une alternance de portraits et de paysages urbains/semi-naturels/naturels.

Vous marchez sur un tapis de lierres, ou empruntez les marches d’un escalier de béton, vous perdez quelques instants la vue, il y a des flottaisons de drapés, des halos de lumières, une main qui se tend.

©Pierre Rahier 

Entre expressionnisme, baroquisme et réalisme (les portraits en pied posés, les habitations de banlieue en briques), Pierre Rahier invente un territoire qu’il découvre avec les yeux d’un chat.

Souplesse des points de vue, angles aigus, sens aux aguets.

Le noir est parfois intense, comme chez Orson Welles, les visages fermés, et la mélancolie générale tempérée par la joie, certes sans systématisme, des enfants et des couples.

©Pierre Rahier 

Barrière triste des immeubles bon marché, ronde des putti, accablement d’un homme esseulé buvant un jus dans un gobelet en plastique.

©Pierre Rahier 

Les ombres envahissent l’espace, ce sont des plantes grimpantes.

Les corps âgés en ont vu d’autres, le funérarium n’est pas loin, et alors ?

Le sang s’est concentré non loin des pantoufles, Dieu est une bouche édentée d’où tombe une salive épaisse, nous vivons dans un vaste trompe-l’œil.

Namur est une jungle septentrionale, on y discerne des formes serpentines, des visages indiens, comme au Chiapas, un cheval bizarre.

©Pierre Rahier 

Les pales du ventilateur de la salle de bal vont bientôt se mettre à tourner, les fleurs carnivores s’ouvrir, avaleuses de la petite gent ailée.

Namur est un guide antitouristique, et une arche pour tous ceux que la bonne société relègue, les vieux, les marginaux, les morveux, les corps androgynes ou indiscernables, les alcooliques et quidams en extase.

©Pierre Rahier 

Les repères sont brouillés, l’homme qui dort là-bas, ivre sur un banc, est peut-être un saint, et toi, là, qui portes un manteau de fourrure, mon sauveur aux yeux clairs.

Pierre Rahier le dit lui-même en postface, son art est du côté des âmes vagabondes.

Pierre Rahier, Namur, book design Jean-Marc Caimi & Valentina Piccinni, Pascal Schyns, Editions du Caïd, 2024

http://pierrerahier.be/

https://www.caimipiccinni.com/

https://editionsducaid.com/fr-fr/products/pierre-rahier-namur

©Pierre Rahier 

Présentation du livre à L’Enfant Sauvage (Bruxelles) vendredi 26 avril 2024, 18h

https://en.enfantsauvagebxl.com/artist-talks-projection

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