Dans la grande maison, par Natalie Malisse, photographe

©Natalie Malisse 

Espace de protection, la maison peut aussi être le lieu des plus effroyables drames.

Composé d’images en nuances de gris, La grande maison, de Natalie Malisse, est un livre pudique et subtil évoquant les violences intrafamiliales en huit clos.

Rien n’est appuyé, et les ombres n’ont pas besoin d’être accentuées pour souligner puissamment le secret des cruautés.

Un homme de dos portant un imperméable fait face à un mur : est-il bourreau ou ancienne victime ?

©Natalie Malisse 

Témoins muets des coups reçus ou donnés, les objets comme les plantes en des espaces domestiques des plus ordinaires paraissent les complices involontaires d’une situation épouvantable.

Il y a des mots, manuscrits, tapés, raturés, parce qu’il est si difficile quelquefois de parler.

On peut lire ceci : « Un week-end sur deux. / La loi du plus fort. / Pour toujours, / celle du silence ? »

On se quitte, on déménage, on se réinstalle, on se calfeutre, ouvertures bouchées.

Un ours en peluche est photographié les bras en croix en une position de martyr.

©Natalie Malisse 

De grandes chaussures, la nacelle d’une balançoire, une structure en fer rouillée.

On lit encore : « fuir les gifles », « peau », « la colère le dégoût », « encore et encore courir », « échapper pour toujours », « ça brûle »

Une cabane, protection dérisoire, occupe la page.

Deux enfants s’enlacent, avec inquiétude.

On trouve sur le sol des lunettes brisées, et dans la penderie des têtes de poupées coupées.

©Natalie Malisse 

Le blanc entourant les images permet une respiration, on pourrait étouffer de ne pas savoir, ou de ne rien entendre.

Il fait nuit, les voisins sont absents, ou tout simplement indifférents.

« couteaux », « plus lui appartenir », « retourner sur mes pas », « se taire », « ne plus le croire », « tous les autres »

Une rappe à fromage dressée comme un mégalithe menaçant, une mare, des rideaux.

Des arbres étêtés.

Une fille nous regarde, bouche fermée, yeux clairs expressifs.

Les escaliers craquent, quelqu’un monte, un cadre est renversé.

©Natalie Malisse 

Pour bien voir La grande maison, il faut tendre l’oreille, et comprendre peut-être que l’arbre au tronc tordu est un être supplicié.

Natalie Malisse écrit : « Des images noctambules / pour donner corps à l’indicible, dans la pénombre, / regarder le fantôme droit dans les yeux / et crier ce que l’ordre – la prudence ? – impose de taire. » 

Natalie Malisse, La grande maison, illustration de couverture Suzy De Laere, conception et design graphique Natalie Malisse & Camille Carbonaro, assistées par Leif Houllevigue et Chrion Floris, collection Première Lame, Les éditions du Caïd, 2023, 96 pages – 500 exemplaires

https://nataliemalisse.com/index

©Natalie Malisse 

https://editionsducaid.com/fr-fr/products/natalie-malisse-la-grande-maison

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