Panama City, loin des clichés, par Arturo Soto, photographe

in-the-heat

© Arturo Soto

On ne sait rien du Panama.

On a des représentations du célèbre canal de 77 kilomètres, on pense malls géants où les habitants du Honduras, du Nicaragua, du Costa Rica, de la Colombie, viennent pour une interminable journée de shopping remplir leurs caddies, on voit des couleurs et des brochures publicitaires, mais l’on ne sait rien.   

A contrario du Panama construit comme un produit marketing, le photographe Mexicain Arturo Soto a pensé In the Heat, livre publié bien loin de là, aux Pays-Bas, par The Eriskay Connection.

in-the-heat (3)

© Arturo Soto

Pas de panorama magique au coucher du soleil, pas de festival chromatique, pas de clichés vendeurs, mais un travail sur l’ordinaire, le banal, le quotidien, tout autour de la capitale Panama City.  

Le Pacifique est présent, bordant la ville, de même que le célèbre canal la traversant, mais il ne s’agit pas d’en faire la réclame, simplement des repères dans le paysage et l’économie du livre (première et dernière image).

Le climat est tropical, étouffant, humide, et les différences de classes sociales ne sont pas un mirage.

in-the-heat (7)

© Arturo Soto

Sans qu’il s’agisse exclusivement d’exposer cela, Arturo Soto préférant le détail, le signe, l’allusif au démonstratif, In the Heat, dont les images sont toutes d’une même tonalité gris-vert – comme une sensation de mousse poussant sur un soleil -, est parcouru de lignes de tensions, de signes antagonistes révélant la violence sociale exercée contre les moins nantis.  

Un bidonville au pied d’une jungle de buildings et l’ironie d’un palmier faisant le lien entre ces deux mondes incompossibles : les marchés financiers d’un côté, les tôles surchauffées de l’autre.

Il y a danger sur la fraternité, le progrès économique est un Saturne ogresque.

On construit, on détruit, on remblaie.

in-the-heat (5)

© Arturo Soto

On autoroute, on sécurise, on climatise.

On livre à domicile et l’on dort dehors.

On électrifie les villas et l’on s’électrocute dans les cagibis.

Christ est tout puissant, mais aussi les tags, et le béton demandeur de sables.

Panama t’accueille, my friend, on attend tes dollars, la peinture a fini par s’écailler.

in-the-heat (4)

© Arturo Soto

Arturo Soto regarde les architectures, les volumes, les matières, et la persistance discrète des bâtiments coloniaux.

D’une colonisation l’autre.

Chicha naturales et coca cola.

Arbres indociles et petits immeubles.

Colonnades et fils téléphoniques.

Un homme étendu sur le sol, chaussures défaites.

in-the-heat (6)

© Arturo Soto

Des bâtiments abandonnés, une piscine surélevée, des grues : étagement du pouvoir.

Un terrain de basket sans basketteur.

Une Jaguar, et le portrait d’Hector Gallego, prêtre colombien à l’origine d’une organisation paysanne puissante, disparu dans des conditions non élucidées au Panama en 1971, un an avant la naissance de Picsou.

In the Heat ne prône pas la révolution, mais ne la déconseille pas non plus.

Pour le moment, le silence règne, et la furie des excavatrices.

in-the-heat (1)

Arturo Soto, In the Heat, text Kevin Coleman, design Rob van Hoesel, The Eriskay Connection, 2018, 128 pages – 600 exemplaires

in-the-heat (2)

© Arturo Soto

The Eriskay Connection – Arturo Soto

Laisser un commentaire