
« Vieusir, c’est mieux que vieillir, c’est aller / vers la fin plus en douceur ou âgé ça ne change rien / car en fait on vieillardise de même, on birbe, / on barbonne ! On bêtifie ! on croûtonne ! / On gnan-gnantise, on rapetisse du QI ! / On s’antiquaille en se payant une tête / d’amphore pansue découverte brisée / au fond d’un galion corps et biens naufragé ! »
Jean-Pierre Verheggen, auteur de plusieurs dizaines de livres, est l’un des écrivains francophones les plus réjouissants, car carnavalesques, qui soient.
Alors que tout fout le camp, que le corps est une capilotade infâme, l’écriture tient plus que jamais le coup.
« Et notre futur antérieur devient / notre futur enterré ! »
Né en 1942, le bonhomme trinque, s’effondre, essuie catastrophe sur catastrophe, redevient ectoplasme, mais le verbe, ma mie, est jouvence, jeune homme, vert galant fluo, résurrectionnel.
Une femme nous quitte, on se quitte, on tente de ramasser les débris de son corps dans la poussière de la solitude, on transpire, on halète, on siffle, on grossit et surgrossit, en espérant que ça va daller, et qu’on nous attribuera, malgré tout, au finish, le prix Nobèse de littérature.
Jean-Pierre Verheggen, une ballerine ? non « une baleirine » et « bonjour les Dégâts ! »
Arthur Sumo l’a dit : « Je est une outre ! »
Jacques Bonnaffé est son ami, qui l’accueille dans sa maison de courée à Roubaix, loin des casse-bonbons de la culture et des mots-tu-vu.
Idées noires ? non, non, aller à toute berzingue vers Caroline Lamarche et Marcel Moreau et Berlinde De Bruyckere, et aussi Dialyz Taylor puisque, en sus de tous les dérèglements de navigation intérieure et du cancer de la prostate, est diagnostiquée au poète culino-zen-et-zut de Phallus et Morilles (2009) une insuffisance rénale.
Molière, apporte-moi l’orviétan de tes vers et mouches de foires.
Mais les citations latines sont mal traduites, les voici enfin retrouvées dans leur or de vérité (dix pages à apprendre par cœur – difficile de ne pas tout recopier) :
« A capite ad calcem » : Le capitaine apparut en caleçon. (Pline, Du bon usage des besoins naturels, 15, 51)
« Ad hoc et ab hac » : Il y a un bouc dans mon hamac. (Cicéron à propos des odeurs dans les loges VIP du Colisée)
« Qualis artifex pereo » : Ah ! Quel beau paréo, on voit ses fesses et son petit zéro. (Térénce, Vie de Plastic Bertrand, XXIV, 19)
« Angulus ridet » : Il rut quand on l’ « angule ». (Lucrèce, Modernité de la sodomie à l’époque classique, XX, 62)
« Dura lex sed lex » : C’est dur avec Alex mais il lèche sept fois. (Stace, Confessions intimes d’une matrone romaine, XXX, 3)
« Post mortem » : Le facteur est mort. (Perse, De la pénurie de main-d’œuvre dans l’acheminement du courrier à l’époque classique, XV, 17)
« A posteriori » : Il avait un postérieur japonais. (Martial, De l’hygiène rectale dans l’armée d’Asie, paragraphe IX)
Le poète ouvre son journal : « Mais oui, c’est évident : les Itous sont les mêmes Indiens que les Idem. » / « J’aime le tajine, qui est encore meilleur quand on est tajun ! » / « Si ça ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval, c’est peut-être sous le capot de votre vieille deux-chevaux ! » / « Si la nuit tous les chats sont gris, c’est parce qu’ils ont picolé comme des malades, jusqu’à passé minuit ! »
Voilà, chers agités, comme moi, du buccal, vous saurez sûrement quoi lire pour les funérailles de l’Apache Artaud Rimbur.
En attendant, vous pouvez toujours relire Debord, les mous (1996).

Jean-Pierre Verheggen, Le sourire de Mona Dialysa, Gallimard, 2023, 90 pages
Article dédié à mon ami Roland Sénéca, qui n’arrête pas de vieusir superbement
Et à Jacques-Henri Michot, qui ne dépérit pas trop mal non plus
