Hoja Santa, magie afro-mexicaine, par Maciejka Art, artiste visuelle

© Maciejka Art

Lauréat de la 8e édition du LUMA Rencontres Dummy Book Award Arles 2022 pour sa maquette, Hoja Santa, livre mêlant histoire anthropologique des villages afro-mexicains, syncrétisme religieux, médecine traditionnelle et histoire des femmes, est aujourd’hui publié par Actes Sud.

La hoja santa, précise son auteure, Maciejka Art, est une herbe utilisée dans la médecine traditionnelle (chamanisme) et dans la cuisine de la Costa Chica, dans l’Etat de Oaxaca sur la côte Pacifique du Mexique.

Vivent dans ce territoire nombre d’Afro-Mexicains.

« Jusqu’à récemment, les maisons dans cette région étaient des huttes rondes faites de boue et de chaume, des constructions dont on peut retracer l’origine dans les territoires qui constituent aujourd’hui le Ghana et la Côte d’Ivoire. »

© Maciejka Art

A travers Juliana, avocate et militante pour les droits des femmes afro-mexicaines – depuis 1992, l’Afrique est officiellement reconnue comme la « troisième racine » du pays -, et sa famille, notamment sa fille adolescente Veronica, la photographe a découvert les traditions locales et la communauté des femmes vivant dans une région difficile d’accès : des guérisseuses, des sage-femmes, des mères, des femmes abandonnées, des amantes officielles, des célibataires.

Questionnant les notions de pouvoir féminin et de diversité, Maciejka Art regarde ces femmes puissantes vivant dans une nature omniprésente.

« La chaleur y est si écrasante, poursuit-elle, que j’étais souvent prise de vertiges. La région est imprégnée de magie, d’énergies cachées et de secrets non révélés. On dirait un être vivant à part entière, qui m’accepte un peu plus chaque fois que je m’y rends. »

Dans la contrée de la Costa Chica, nombre de femmes vivent séparées des hommes, du fait de la violence endémique envers elle.

Avec Hoja Santa, livre d’essence multiculturelle, l’artiste d’origine polonaise ayant fait de Mexico sa base de travail a construit un livre imprégné de magie.

Si certaines images peuvent relever du registre documentaire, d’autres sont quelquefois peintes par l’auteure avec beaucoup d’inventivité soulignant ainsi un mystère, et la relation des vivants avec l’invisible.

Il y a des collages, des pages découpées se posant sur les suivantes tels des masques traditionnels.

Il est possible que cet ouvrage de facture superbe possède lui aussi quelque pouvoir thérapeutique.

Les portraits en noir et blanc des femmes qu’a rencontrées Maciejka Art sont surmontés d’yeux colorés, de chenilles, de larves diverses, de fruits.

© Maciejka Art

La nudité est naturelle, la fécondité comme la mort – on vient de tuer et de vider une vache devant l’ensemble du village – n’ont rien de choquant, faisant cependant dériver l’imaginaire du côté des espaces troublants du surréalisme.

Des crocodiles – dessinés – se promènent dans la jungle.

Il est temps d’accoucher, il est temps de vénérer – quelles entités ? -, il est temps de ne pas relâcher sa vigilance – présence d’un scorpion.

La photographe relève des témoignages évoquant un dialogue avec le monde caché.

L’artiste s’allonge parmi les femmes – de toutes générations -, sur des tapis végétaux ou sur un banc de bois, Hoja Santa est aussi un autoportrait diffracté.  

« Un jour, narre-t-elle, je marchais avec Alejandra, une sage-femme. Alejandra sait repositionner un bébé dans le ventre de la mère quand quelque chose va mal. Nous avons croisé un homme avec de grands yeux jaunes et des pupilles noires verticales. Elle a ri en nous regardant et a dit : « Regarde, cet homme a essayé de me mordre dans la rivière l’autre jour. Je sais que c’était toi, vieil homme. Tu es un lagarto. » L’homme n’a pas réagi, mais quand je l’ai regardé j’ai su qu’il était l’un d’entre eux. »

L’étrange règne, et nous ne sommes qu’au début de nos initiations.

Maciejka Art, Hoja Santa, textes Maciejka Art, direction éditoriale Géraldine Lay assistée par Nesma Merhoum et Axelle Aldon, conception graphique Ramon Pez, fabrication Camille Desproges, Actes Sud / Fondation LUMA / Les Rencontres d’Arles, 2023

https://www.instagram.com/mayaaliceart/?hl=fr

https://www.actes-sud.fr/catalogue/hoja-santa

Maciejka Art. Alessandra, intervention photographique, Oaxaca, Mexique, 2017. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

Ouvrage publié à l’occasion de l’exposition éponyme aux Rencontres d’Arles du 3 juillet au 24 septembre 2023

https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwjt05yC7J2BAxW2SaQEHUOuAggQFnoECBcQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.rencontres-arles.com%2Ffr%2Fexpositions%2Fview%2F1457%2Fmaciejka-art&usg=AOvVaw2d1zeo0JnLLVskTV0vRp3j&opi=89978449

Laisser un commentaire