
©Manon Lanjouère
Sous-titré « le conte humain d’une eau qui meurt », Les Particules est un ouvrage aussi beau qu’il inquiète.
Consacré à la pollution des océans par les microparticules de plastique, cet ouvrage de Manon Lanjouère est un travail d’alerte, consonnant avec les recherches des photographes Alice Pallot et Pablo Baquedano sur les algues toxiques en Bretagne et au Pays basque.
Aujourd’hui, s’il remontait à la surface, le Nautilus du capitaine Nemo serait recouvert de matières infectes.

©Manon Lanjouère
Les Particules est un livre hanté, aux « images spectrales » (Michel Poivert), faisant songer aux cyanotypes de la botaniste britannique Anna Atkins – des herbiers parus au mitan du XIXe siècle.
Avec la prise de conscience de l’anthropocène, nous avons basculé dans un imaginaire où le fantastique rejoint la terreur.
L’invisible n’est plus le domaine du mystère et du mystique, mais du néfaste et de la mort lente.

©Manon Lanjouère
Publié comme un ensemble de feuilles, trouées sur le bord gauche, à insérer dans un classeur, Les Particules se donne d’abord comme un objet de recherche fascinant, étrange, aux couleurs fabuleuses.
A la façon des objets de curiosité des naturalistes, des légendes inscrites à la main apportent des indications pour chaque cliché réalisé au microscope électronique, nom savant donné dans une vague langue latine traduit sérieusement en français contemporanoïde, dans un dispositif proche des recherches verbales du Belge Jean-Pierre Verheggen (lire son récent Le sourire de Mona Dialysa chez Gallimard).
Stephanopyxis palmeriana ? Filtres de cigarettes en stick.
Braarudosphaera bigelowii ? Assiettes jetables.
Asterionellopsis glacialis ? Cotons-tiges.
Emiliania huaxleyi ? Passoires de douche.

©Manon Lanjouère
La mystification opère, une forme de drôlerie stupéfaite et macabre, révélant la monstruosité de nos objets les plus quotidiens lorsqu’ils se retrouvent au fond de l’océan.
Les formes sont merveilleuses, témoignant de l’inventivité humaine, mais les effets désastreux.
« On n’est pas obligé de faire du beau pour que les gens se sentent concernés, mais c’est mon choix de ne pas induire d’emblée une forme de dégoût tétanisant, explique l’artiste à Andreina De Bei, rédactrice en chef adjointe, responsable du service photo au magazine Sciences et Avenir. Quitte à ce que l’art devienne un processus de discussion et de découvertes par strates. »
Chers lecteurs, les masques ne seront pas suffisants, investissez dans des scaphandres.

Manon Lanjouère, Les Particules, préface (anglais/français) Michel Poivert, entretien de l’artiste avec Andreina De Bei et Ika Paul-Pont, maquette Sarah Boris Studio, édition Vincent Marcilhacy & Véronique Prugnaud, The Eyes Publishing, 2023