Calmes voluptés de campagne anglaise, par Jean-Pierre Gilson, photographe

©Jean-Pierre Gilson 

Maintenant, quand j’entends quelqu’un me dire que la peinture de Jean-Baptiste Corot est bourgeoise, je me mets à hurler directement.

Idem avec les critiques contre les grands paysagistes anglais tels John Constable, Thomas Gainsborough ou John Ruskin.

Comment ? Tant de sensibilité, de délicatesse et de calme vision panthéiste serait définitivement out, ringard, petitement académique ?

Il n’y a rien de plus révolutionnaire que la volupté, disait Baudelaire, et peut-être avce lui l’artiste Jean-Pierre Gilson dont le livre Campagne anglaise, publié par Trans Photographic Press (Dominique Gaessler) est de toute beauté.

On peut vivre longtemps dans ses images, qui sont des tableaux photographiques d’une Angleterre où l’on ressent encore fortement la profondeur d’une culture ancrée dans un paysage façonné par la qualité de la terre, la charge des ciels et le travail paysan.

Les vals et les bocages, les ronces et les sentes, les brumes et les mousses.

Jean-Pierre Gilson photographie l’hiver, le froid, le givre, les flaques d’eau, quelque chose de glacé et de pourtant très confortant.

Du temps s’est déposé ici, et du silence, et toute la puissance du monde premier.

Le noir & blanc est surtout une symphonie de gris.

« L’image monochrome, précise en préface l’écrivain William Boyd, nous fait voir le paysage différemment, avec plus d’acuité. »

On arrive par Douvres, dans le Kent, par les falaises de craie blanche et les fossiles, il ne faudrait pas oublier que l’Angleterre est une île ayant arrêté les armées du monde.

La mer se déchaîne mais tout est calme, impeccablement dessiné ou affirmé par l’objectif qui ne cille pas.

Une cabine téléphonique, des petites routes, des murs de pierre, on y est.

L’atmosphère se prête aux contes.

©Jean-Pierre Gilson 

Il y a des fondrières, une petite pluie fine, un cours d’eau agité, un panneau indicateur de guingois.

L’univers que photographie Jean-Pierre Gilson est végétal, minéral, aérien et aqueux.

Un tracteur, des bateaux sur la grève ou des maisons indiquent une présence humaine, d’autant plus fantasmatique qu’on ne voit presque jamais personne.

Sont-ce des décors, des scènes de rêve ou la simple et belle et parfois âpre réalité ?

Fermeté du cadre soulignant les rapports géométriques entre l’enclos de pierre – un travail de longue haleine, minutieux et superbe – et la colline, les pieux et les arbres, les roches, parfois mégalithiques, et les troncs.

Nous voyageons – le photographe est accompagné de son ami Jean-Pierre Dhoury : Devon, Yorkshire, Oxfordshire, Cumbria, Kent, Cornwall, Hampshire, Derbyshire, Wiltshire, Northumberland, Lancashire, Dorset.

Voici quelques stalles d’un cimetière plantées près d’une église au toit effondré.

Voici quelques brebis témoignant du Très-Haut.  

On peut se sentir seul dans ces étendues presque désertes, et pourtant non, tout respire à l’unisson et le spectateur, s’il sait garder sa place, n’est pas un intrus.

La mer revient border le livre, faudrait-il déjà partir ?

Non, tout est à relire, à reprendre, à apprécier de nouveau.  

Et puis, pourquoi ne pas l’écrire, tout est sauvé.

Jean-Pierre Gilson, Campagne anglaise, préface de William Boyd, conception et réalisation Dominique Gaessler, Trans Photographic Press / Dewi Lewis Publishing, 2023

https://www.jpgilson.fr/

https://www.transphotographic.com/produit/campagne-anglaise-de-jean-pierre-gilson/

https://www.leslibraires.fr/livre/22303307-campagne-anglaise-jean-pierre-gilson–trans-photographic-press?affiliate=intervalle

Un commentaire Ajoutez le vôtre

  1. Merci pour cette découverte et cette belle défense de Corot, entre autres….

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