La guenon de la jument, par Liliane Giraudon, poète

« Dans la littérature qui me précède (particulièrement la poésie), peu de guenons. C’est le règne du singe. » (Liliane Giraudon)

Comment ? La poésie s’exprime d’abord en mots ?

Non, elle est d’abord état d’être, disponibilité, enthousiasme, exploration des lointains intérieurs, avant que d’être contenue dans telle ou telle forme, telle ou telle strophe, versifiée ou pas.

Prélevées dans un stock de plus de mille « Poèmes)(Dessins », commencé en 2020 durant la pandémie, les cent quarante pièces poétiques de La Jument de Troie, de Liliane Giraudon, enchantent par leur espièglerie, leur esprit d’enfance, leur liberté.

Chez la poétesse, qui pratique le trait dessiné, les collages, l’élaboration de tracts, le mot est rarement seul.

Ses poèmes-dessins sont des éclairs d’inventivité portés par l’énergétique des couleurs.

Pas de longues tergiversions, mais la vitesse d’une pensée se donnant le plaisir d’une forme graphique à la fois audacieuse et enfantine.

Voici donc ses personnages tracés aux crayons de couleur : Poème illicite, Poème tremblé, Poème Laurier, Poème Arrière, Poème effacé, Poème zonzon…

Le goût des mots abordés comme des petites planètes autonomes est évident.

« J’ai passé une partie de ma vie dans des livres de poésie, écrit l’impertinente pleine de doutes dans le texte introduisant le recueil, mais je suis restée une brute, je suis une vieille qui bricole un art de brute, la guenon se lâche, le pommes ne tiendront jamais sur la table, les couleurs bavent, et elles s’en torchent. »

Chaque jour, le poème s’en va, puis revient, La Jument de Troie est un livre d’exercices spirituels de l’ordre de la survie.

De Marseille où elle vit, Liliane Giraudon écrit-dessine Poèmement, Poème passif, Poème infesté, Poème dehors, Poème garçon.

Publié comme du texte, les pièces symbolistes de La Jument de Troie cachent une guenon, femme rebelle envoyant dinguer les conventionnels-conventionnaires.

Homère se gratte les sourcils, Ulysse fait dix fois le tour de son lit-olivier, voici la belle absente de l’épopée : cette constellation de dessins de peu qui glissent, se frottent, et, mine (de crayon) de rien, font la révolution.