Tombent les fleurs d’amandiers, par Mahmoud Darwich, poète

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J’ai reçu par la poste un livre de Mahmoud Darwich datant de 2006, Ne t’excuse pas, dont le traducteur est comme presque toujours son frère, son ami, Elias Sanbar.

Je ne sais pas qui m’a envoyé cet ouvrage, sûrement une belle âme du service de presse d’Actes Sud, ou un(e) allié(e) de fond cherchant comme la plupart d’entre nous des lignes de lumière dans les ténèbres du présent.

La Palestine disparaît, elle ne sera peut-être bientôt plus qu’un recueil de poèmes, un mince volume dans une bibliothèque en exil.  

J’ai longtemps écouté dans ma voiture le CD du récital Mahmoud Darwich ayant eu lieu le 7 octobre 2007 au théâtre de l’Odéon devant une salle comble de plus de mille personnes : on y entend le poète déclamer ses vers en arabe, la musique des frères Samir et Wissam Joubran, et la voix de Didier Sandre pour la version française des textes.

C’est avec le timbre si beau de cet acteur que j’entends les mots que je recopie pour vous maintenant, sans commentaire.

Le poème s’intitule Il est paisible, moi aussi.  

« Il est paisible, moi aussi.

Il sirote un thé citron

je bois un café

c’est ce qui nous distingue.

Comme moi, il est vêtue d’une chemise rayée trop grande.

Comme lui, je parcours les journaux du soir.

Il ne me surprend pas quand je l’observe de biais.

Je ne le surprends pas quand il m’observe de biais.

Il est paisible, moi aussi.

Il parle au serveur.

Je parle au serveur…

Un chat noir passe entre nous.

Je caresse la fourrure de sa nuit,

il caresse la fourrure de sa nuit…

Je ne lui dis pas : Le ciel est limpide aujourd’hui, plus bleu.

Il ne me dit pas : Le ciel est limpide aujourd’hui.

Il est vu et il voit.

Je suis vu et je vois.

Je déplace la jambe gauche,

il déplace la droite.

Je fredonne une chanson,

il fredonne un air proche.

Je me dis :

Est-il le miroir dans lequel je le vois ?

Puis je cherche son regard,

mais il n’est plus là…

je quitte précipitamment le café,

et je me dis : C’est peut-être un assassin

ou peut-être un passant qui m’a pris

pour un assassin.

Il a peur, moi aussi. »

Mahmoud Darwich, Ne t’excuse pas, poèmes traduits de l’arabe (Palestine) par Elias Sanbar, Actes Sud, 2006, 140 pages – nouvelle publication 2024

https://www.actes-sud.fr/contributeurs/mahmoud-darwich

https://www.leslibraires.fr/livre/23444289-ne-t-excuse-pas-mahmoud-darwich-actes-sud?affiliate=intervalle

2 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. christinelefebvre23 dit :

    magnifique!

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  2. Sophie Mouron dit :

    Magnifique ! et si triste.

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