Valparaiso, fantasme chilien, par Nicolas Wormull, photographe

©Nicolas Wormull

Ayant déménagé en 1987 avec sa famille du Chili pour la Suède (Stockholm), Nicolas Wormull entretient avec son pays de naissance un lien d’évidence et d’étrangeté.

Invité en résidence en 2022 au Festival international de la photographie de Valparaiso (FIFV), le livre qu’il en a conçu est à la fois de nature mémorielle et de quête identitaire.

Nicolas Wormull cherche à comprendre visuellement sa terre natale, entre vision poétique, sensation d’exil douloureux ou de déphasage, et notations sensuelles, voire crues.

©Nicolas Wormull

La période sombre de la dictature (1973-1990) n’est pas oubliée, il se pourrait même qu’elle soit encore, en ses maléfices, la matrice du présent.

Valparaiso est donc un livre composite, entre élégie et sentiment de désorientation générale.

Apparaît régulièrement le corps nu d’une femme au beau visage, elle est le point d’appui, la ligne de désir, l’amer d’un fantasme récurrent dans l’anarchie des jours et la déroute intime.

Les images sont en noir & blanc et couleur, imprimées en pleines pages, doubles pages et demi-pages, l’ensemble est très dynamique, offrant de la cité portuaire une vision mosaïque, plurielle, baroque.

©Nicolas Wormull

Du cul-de-jatte en béquilles ou du chien des rues – tous deux se font face – qui ira le plus loin dans la traversée de l’existence ?

La ville est électrique, un homme marche à quatre pattes, une voiture accidentée a, semble-t-il, fait du deux roues avant de s’échouer.

Nicolas Wormull assemble ses éléments visuels, monte ses images, questionne un territoire, aux marges de la folie, plus qu’il n’apporte de réponses.

On peut perdre les yeux, mais il y a la peau des êtres que nous aimons, et toi là-bas, l’aimée, qui projettes de la mousse alors que tu te laves les cheveux.

©Nicolas Wormull

Valparaiso montre des fissures, des visages de disparus, des bêtes équarries.

Le grain des photographies en noir et blanc forme de petites explosions atomiques mentales, et il n’est pas certain que nous survivions à la prochaine nuit.

Salle de jeu, autoportrait, odalisque aux seins blancs dans une chambre aux murs verts.

Urnes funéraires, corps étendu sur le pavé, palmiers.

Copulation, esseulement, prostitution.

Une femme a pris des coups, un homme au torse nu pratique des fumigations, la cordillère des Andes reste apparemment impassible.