
©Anne-Sophie Auclerc
« Un choc suivi d’une caresse » sont les mots prononcés par une des personnes se baignant toute l’année sans combinaison rencontrées par Anne-Sophie Auclerc lors de sa résidence de création à L’Imagerie – centre d’art, à Lannion, dans les Côtes-d’Armor.
La photographe s’est interrogée sur les raisons qui poussent des hommes et des femmes à se plonger dans une eau dépassant rarement, de l’automne au printemps, douze degrés.

©Anne-Sophie Auclerc
Dans un livre au graphisme très étudié, 12 degrés, 12 minutes, l’artiste explore en images la chorégraphie de ces intrépides nageurs au moment où ils se déshabillent, entrent dans l’eau, en sortent et se rhabillent, le visage généralement radieux.
Cet ouvrage comportant audacieusement une série de pages blanches non imprimées – aux spectateurs d’y inscrire leurs propres exploits ou expériences -, se présente, en nuances de gris, comme une étude fascinée du corps des nageurs, de tous âges, mais de la deuxième moitié de la vie.

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On se dévêt entre des voitures, dans une cabine ou un cabanon, à même la plage.
La photographe est au plus près des épidermes, et des corps offrant à l’eau leur vulnérabilité pour en ressortir fortifiés.
Il appert en effet que ces adeptes de la mer froide ressentent de ces quelques minutes de choc hypothermique un bien-être inédit, comme si, une fois l’acte accompli – ressemblant pour les non-initiés à un rituel sadomasochiste -, ils en ressortaient régénérés, réinventés, purifiés.

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Beaucoup parlent de petite mort, d’orgasme, de renaissance.
Les voici ces extatiques, sur les grèves de Trégastel et de Trestraou, maillot de bain glacé, d’abord concentré puis terriblement heureux.
Quand on a goûté cela, et que l’on y a survécu (ce n’est pas si difficile, l’enthousiasme est une chaleur), il n’est plus possible de manquer le rendez-vous de la mer, quelle que soit sa température.

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Les gouttelettes du retour honorent ces baigneurs ne cherchant aucune gloire, simplement le bonheur d’un plaisir incomparable.
Serviette éponge, peau nue, sourire.
Tongs, chaussons de mer, bonnet de bain.

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Vous qui êtes peut-être entrés dans les forêts obscures de la désespérance, ne perdez pas la foi, la jeunesse éternelle existe, c’est un bain d’eau froide dans l’immensité marine.
Chair de poule, frottements de réconfort, joie.
12 degrés, 12 minutes est un ouvrage superbe, présentant à la fois la matérialité des corps – généralement par fragments rapprochés -, et leur dimension de grâce.

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L’âge n’a aucune importance, ces personnes que la mer adoube chaque matin sont sauvées, dégagées au moins pour quelques minutes du monde et de ses vilenies.

Anne-Sophie Auclerc, 12 degrés, 12 minutes, suivi éditorial et relectures Lilian Froger, conception graphique Joanna Spadiliero, Editeur L’Imagerie – Centre d’art, 2024 – 250 exemplaires numérotés
https://annesophie-auclerc.com/

©Anne-Sophie Auclerc