
©Patrick Bienert
« Si les Arméniens partagent la plupart des valeurs et des références culturelles européennes, ils ont également su préserver leur humanité avec une grâce exceptionnelle. » (Patrick Bienert)
Le monde se rétrécit, les guerres sont une valeur rentable, il faut se dépêcher.
Avant de me rendre physiquement en Arménie – dans l’année j’espère -, je peux ouvrir le livre que Patrick Bienert consacre à ce pays pour la collection Fashion Eye, de Louis Vuitton Malletier.
Publié sous couverture entoilée verte – plusieurs nuances -, Armenia collige sur des papiers épais de grande qualité des photographies en couleur et noir & blanc.

©Patrick Bienert
« Le livre, explique l’artiste, suit un itinéraire du Nord au Sud de l’Arménie, et tire son inspiration de la structure des vieux manuels scolaires et d’histoire, dont la dominante en noir et blanc était ponctuée de quelques rares images en couleur. »
Dans l’alternance des portraits et des paysages, se lève un pays dont le biblique Mont Ararat avec ses plus de cinq mille mètres est peut-être le plus important symbole, situé cependant depuis 1921 sur le territoire turc, de l’autre côté de la frontière.
On le voit de toutes parts, notamment depuis la capitale Erevan qui semble son enfant naturel.
Les pages sont quelquefois de couleur crème, comme si le temps les avait déjà affectées.

©Patrick Bienert
Patrick Bienert photographie un pays encore essentiellement rural et de grande noblesse, berceau du christianisme, en quelque sorte protégé par les descendants de Noé.
Des vallées fertiles, des sensations de bouts du monde, des visages d’enfants.
Une petite fille en costume d’écolière – page de gauche – étudie, alors que des camarades jouent à la balançoire – page de droite.
Un passeport s’ouvre, l’écriture est somptueuse, on ne comprend rien, mais l’on sait que tout est là, quand tout n’a pas été ravagé.

©Patrick Bienert
Dans quel pays grandissent ces êtres aux traits graves qu’a rencontrés le photographe dans ses voyages en 2022 et 2023 ?
« En Arménie, précise Patrick Bienert à Patrick Remy qui l’interroge, j’ai souvent été invité chez les gens pour un thé après avoir réalisé leur portrait – un sens de l’hospitalité admirable, doublé d’une excellente façon de faire connaissance. »
On sait que la plupart des Arméniens vivent à l’étranger (12 millions sur 3), ayant fui le génocide de 1915-1916, la désespérance due au terrible tremblement de terre de 1988, et les conséquences de la guerre avec l’Azerbaïdjan voisin.
Frappe d’abord la sereine présence des visages, la beauté de la détermination perceptible dans les regards, la force structurante de la foi.
La dévotion aux martyrs est manifeste, mais aussi les blessures laissées par le soviétisme en des bâtiments conçus comme des forteresses de béton.
Des monastères situés sur des cols ou aux bords de lacs, et des édifices fonctionnels, quoique parfois non dénués de beauté formelle.
Une partie d’échecs se joue : que sera l’Arménie demain, tout à l’heure, dans quelques secondes ?

©Patrick Bienert
Photographiant des adolescents, Patrick Bienert interroge un devenir, un mystère, un espoir.
« Ce qui m’intéresse, ce sont les portraits authentiques – de préférence capturés à l’endroit où je rencontre mon sujet pour la première fois. La photo doit me donner la sensation que tout est encore possible. »
Donnant quelquefois le sentiment d’être hors du temps, Armenia déploie une musique qui est celle pouvant accompagner, sereine et entêtante, un long cheminement intérieur.

Patrick Bienert, Armenia, a book series created by Julien Guerrier, edited by Patrick Remy, editorial editor Axelle Thomas, editor Anthony Vessot, editorial officer Anaelle Lecointe, photogravure Clément Regard et Charlène Forfait, collection Fashion Eye, Louis Vuitton Malletier, 2024
https://fr.louisvuitton.com/fra-fr/produits/fashion-eye-armenia-nvprod5590045v/R09357
https://www.patrickbienert.com/

©Patrick Bienert
Exposition à la Galerie Miranda (Paris), du 8 octobre au 26 octobre 2024
https://www.galeriemiranda.com/fr/patrick-bienert-et-pascal-sebah/
