Ports du Nord, par Françoise Nunez, photographe

©Françoise Nunez

J’ai eu envie de revenir dans le Nord de la France, de revoir les ports que je connais : celui de Calais, ville où je suis né et où j’ai grandi, ceux de Boulogne-sur-Mer et de Dunkerque.

J’ai eu envie aussi de revoir Françoise Nunez, de l’imaginer au travail, de regarder de nouveau son œuvre.

Publié dans le cadre de la Mission Photographique Transmanche, diligentée par les pouvoirs publics (Conseil Régional, Ministère de la Culture, Conseil Général, Chambre de commerce et d’industrie de Calais) et portée par le Centre Régional de la Photographie (Douchy-les-Mines) alors dirigé par Pierre Devin, son livre Ports touche au vif, montrant ce que peuvent avoir de glacé, d’étrange et de métaphysique les infrastructures portuaires d’un espace maritime dédié pour Calais aux voyageurs, pour Boulogne à la pêche et pour Dunkerque au fret.  

Quatorzième opus d’une série exemplaire – voir les volumes de Bernard Plossu, John Davies, Martin Parr, Josef Koudelka, Claude Dityvon, Lewis Baltz, Bruce Gilden… tous venus documenter en poésie photographique le littoral nordique, ses points fixes, ses évolutions -, le livre de Françoise Nunez restitue avec beaucoup de force l’atmosphère très romanesque de ces ports, entre polar à la Georges Simenon et abstraction à la Michelangelo Antonioni (Le désert rouge).

Photographie-t-on toujours la réalité, consciemment ou inconsciemment, avec la prescience de la mort ? Je le crois.

L’artiste observe des nouages, des rambardes donnant sur un chenal, le calme très pictural d’une structure en béton orientant la mer.

Les images en noir et blanc sont presque toutes de format vertical, donnant aux ciels gris du Nord une place prépondérante, presque tragique.   

Entre les arbres étiques, les lignes à haute tension et les grillages protégeant un bassin de rétention d’eau (Sangatte au moment de la percée du tunnel sous-marin transfrontalier ?) surmonté d’un Christ en croix, bien seul dans le paysage, les grues de débarquement s’acharnent à poursuivre leur œuvre de déplacement des matières.

©Françoise Nunez

On pourrait être dans quelque désert donnant sur la côte du Sultanat d’Oman, mais non nous sommes dans la brume percée de halos lumineux d’un port industrieux aux marches de la France.

Un haut fourneau crache une fumée noire.

La mer scintille.

Il y a au loin des zébrures électriques.

La photographe est entrée dans une dimension fantastique.

Que voit-elle dans les formes monstrueuses qui l’entourent ?

©Françoise Nunez

La solitude est palpable, comme la solidarité avec les travailleurs de la mer accostant au Courgaim Maritime (Calais).

Il y a un phare, mais aussi l’organicité inquiétante des machines installées sur les quais.

On pourrait dériver sans fin, se perdre, se noyer, il faut une ancre.

Ce sera, c’est, pour Françoise Nunez la photographie, et, très loin du Nord, la famille fondée avec son photographe-marcheur de mari.

Françoise Nunez, Ports, collection dirigée par Pierre Devin avec la collaboration de Maryse Devin, conception graphique Jean-Pierre Parmentier, Mission Photographique Transmanche, Cahier 14, Centre Régional de la Photographie Nord Pas-de-Calais, 1994 – 1500 exemplaires

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