
©Pablo Lopez
C’est un livre magnifique, tant il est noble et beau, silencieux et profond.
Publié en grand format sous couverture entoilée présentant une image collée montrant au premier plan, en des très subtiles nuances de gris, deux paons dans un parc, The Ridge, de Pablo Lopez, procure beaucoup de paix.
The Ridge est une bande de jungle qui traverse New Delhi du nord au sud, ainsi appelée parce qu’elle est située sur les contreforts d’une ancienne montagne, la chaîne de montagnes Aravalli, les Britanniques en ayant fait un jardin colonial.

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Des singes s’y ébattent, la nature, d’abord à peu près maîtrisée, y est devenue souveraine, et blessée.
The Ridge est une sorte de paradis perdu ambigu réinventé au cœur de la métropole indienne.
Bien au-delà d’une vision strictement documentaire ou paysagère/paysagiste de cet hâvre précieux, Pablo Lopez bouleverse en poète l’héritage des romantiques anglais pour donner de cet espace une vision à la fois étrange, contemporaine et atemporelle.
Pas d’afféterie dans l’éditing, mais une succesion d’images cadrées pour la plupart à l’horizontale, bordée de larges bandes blanches dégageant une impression d’ample respiration.

©Pablo Lopez
Il y a des déchets humains parmi les talus, le territoire naturel est anthropisé, mais il garde sa capacité d’émerveillement.
On s’assied ici pour contempler sa vie, la lumière touchant les végétaux, ou tout simplement ces petits riens qui sont des immensités introspectives.

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Tout vit, qu’il s’agisse des roches, des végétaux, des animaux, et, par-delà leur somnambulisme consitutif, les humains.
Pablo Lopez observe des mystères d’ombres, des temples faisant songer à des décors de théâtre, des signes de présences multiples.
La pollution n’épargne pas The Ridge, ni la menace d’une souillure permanente, mais il y a plus que cela, malgré le manque d’entretien, les lignes à haute tension dans le lointain et l’air vicié : la possibilité d’un repos, d’une grâce, d’un arrêt salutaire.
L’humain a ravagé, mais il sera détruit, les images de l’artiste nous le suggèrent finement, avant même d’avoir pu tout saccager.

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Attentif aux seuils – à ce qui pourrait distinguer le sacré du profane -, Pablo Lopez photographie des rembardes, des palissades, des bordures, ainsi que quelques hommes, une famille, un jeune trans.
The Ridge émeut, tant il parvient à célébrer en chaque chose et être la part d’énigme fondamentale.
Aucune grandiloquence mais de la solennité, et le sentiment que la mort n’est pas un obstacle ou une fin, plutôt un passage.

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Une femme mûre apparaît dans une double pose créant un effet de superposition : sa silhouette tremble comme celle d’une initiée, les arbres s’agitent, tout est en ordre, le cœur peut battre tranquillement.
Cette pulsation calme du vivant est ce qui procure à The Ridge sa puissance sans effroi.

Pablo Lopez, The Ridge, texte Pablo Lopez, conception graphique underbau, Ediciones Posibles, 2024, 96 pages – 800 exemplaires

https://www.edicionesposibles.com/product-page/the-ridge

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