Trancher Méduse, peut-être, par Catherine Ternaux, écrivain

Jacques Villeglé

« Les regards se tournent soudain vers la femme debout, très droite, qui s’avance vers la table en portant un grand plat de terre. Des fumerolles s’en échappent qui voilent son visage souriant. Tu as cru que la tête était posée dans le plat mais, quand le plat s’est avancé davantage, tu as compris qu’il s’agissait d’un effet de perspective. »

Les choses sont ainsi, et Voilà, qui est aussi le titre d’un livre de Catherine Ternaux publié par les éditions rochefortaises Les petites allées.

Tu es là ou là, dans telle ou telle situation, mais au fond tu dors, ou ne dors pas, tu ne sais pas où est ta vie.

« Il y a tellement de lieux et de situations, tu n’arrêtes pas de bouger, à cause des choses à faire. Bouger, et revenir aux mêmes endroits, comme attiré par des aimants disséminés dans la ville. »

Tu ne vas pas trop loin, tu te répètes, tu ne sais pas vraiment qui tu es.

Ta vie est réglée, tu es prudent, tout est si vaste, effrayant, incontrôlable.

Tu te le lèves, tu te glisses dans l’ordre des choses, on attend probablement ta présence au travail, au premier étage de l’entreprise HVHM.

Tout va bien dans le somnambulisme, pourtant tu perçois des fissures, des craquelures, un gouffre possible.

« A 11 heures, un collègue dépose une feuille de papier sur ton bureau en disant Voilà le document. Oui voilà, penses-tu, ému. Quelque chose a traversé ton cœur, mais tu ne sais pas quoi. »

Le moment du repas est éprouvant, tous ces organes, happés par l’automaticité des fonctions.

Tout se déroule comme prévu, et pourtant.

Des mots sortent de ta bouche, tu captures des scènes, tout continue comme avant, ou à peu près.

Voilà est un texte sans drame, au bord externe de la psychose.

La littérature s’annonce là, hésitant encore un peu, funambule.