La cérémonie des adieux, par Margot Jourquin, photographe

©Margot Jourquin

Le mot transi est très beau, qui exprime à la fois le glacé et le chaud, le mouvement et l’arrêt, le départ et la fixation.

Il dit le passage, un état modifié de l’être, une métamorphose.

Transe, transit, transition.

Transi est le titre du très bel ouvrage de Margot Jourquin apparaissant par embossage sur une couverture grise striée de lignes plus sombres, comme un ciel, comme un autre monde, comme une traversée du miroir.

Il est composé de pages entrelacées, que l’on déplie précautionneusement, donnant l’impression de franchir des seuils.

©Margot Jourquin

Les pages blanches offrent des moments de respiration, de recueillement, le temps est suspendu.

Transi est un livre puissant et secret, pudique et très respectueux.

Les photographies montrent des gestes, des tissus, des fragments de corps.

Que reste-t-il de nos vêtements ? de nos bijoux ? de nos paroles ? de notre regard ?

Ils parlent d’effets personnels.

©Margot Jourquin

Nous sommes morts, la cérémonie des adieux peut commencer.

Se présentent des professionnels, qui prennent soin de notre corps, savent parler à nos proches, accomplissent avec justesse des actes impossibles.

Un oreiller blanc où reposera notre tête.

Des mains déboutonnent ou reboutonnent notre chemise.

La peau est ridée, parcheminée, superbe d’avoir tant vécu.

Ce pied en sa torsion singulière pourrait inspirer un maître de peinture.

©Margot Jourquin

Cette oreille, ces cheveux, cette vie tombée.

Cicatrices, peigne, mamie, tu es belle, ce liseré sur ton habit de nuit est un passeport pour l’outre-vie.

Ballet du thanatopracteur, ongles coupés, barbe taillée.

Papy, tu manques d’air, qu’on ouvre enfin la fenêtre ! tu n’as jamais supporté d’être enfermé.

Avec une infinie délicatesse, Margot Jourquin rend compte de ces instants où le corps devenu cadavre garde sa pleine humanité par l’attention extrême qu’on lui porte.

Quelqu’un ferme le cercueil, pas grave, nous flottons dans l’air.

©Margot Jourquin

N’ayez pas trop de peine, les amis, vous tous que j’aime tant, on est pas mal là-haut, je ne vous quitte pas vraiment.

Ceux qui prennent soin de nous mettent des gants, nous sommes devenus des marionnettes, le spectacle assez grotesque de nous-même.

Beauté étrange de la mort.

Les larmes viennent, il ne faut pas les retenir, nous ne savons rien.

Une strophe de Baudelaire tirée du poème La mort des amants est reproduite en fin d’ouvrage.

La voici : « Nous aurons des lits pleins d’odeurs légères, / Des divans profonds comme des tombeaux, / Et d’étranges fleurs sur des étagères, / Ecloses pour nous faire des cieux plus beaux. »

Margot Jourquin, Transi, editing and design Janne Riikonen & Margot Jourquin, Kult Books, 2023

https://kultbooks.com/store/p/transi-by-margot-jourquin

https://margotjourquin.weebly.com/series.html

https://margotjourquin.weebly.com/editions.html

The King Baudouin Foundation participe à la production de ce livre

https://kbs-frb.be/fr

Un commentaire Ajoutez le vôtre

  1. Avatar de barbaraspolla barbaraspolla dit :

    Très cher

    Je n’arrive pas à mettre de commentaire

    Mais c’est magnifique, très touchant

    Baci Barbara

    >

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