
©Antonio Jiménez Saiz
Qui suit les aventures en huis-clos du personnage de la série La paix nulle part ailleurs – neuf numéros à ce jour, en Arles 2025 – sait que son auteur, Antonio Jiménez Saiz, aime à la fois la fixité des représentations, et les dérivations audacieuses.
Chaque volume est ainsi confié à un artiste chargé de réinventer le legs (lire l’ensemble de mes articles sur le sujet) et d’ouvrir des pistes imaginaires nouvelles.
En cette neuvième édition, le protagoniste unique de ce projet au long cours sur la rencontre d’un corps-visage, du temps et d’une âme, paraît bien sombre.

©Rozafa Elshan
L’hidalgo austère est inquiet, aux aguets, quelqu’un, quelque chose le guette.
Les yeux n’ont jamais été aussi fous, un homme est entré en résistance, contre lui-même, contre les autres, contre la société mortifère.
Un clochard céleste ? Peut-être.
Un espion au chômage ? Peut-être.
Un notable aux abois ? Peut-être.

©Antonio Jiménez Saiz
Les mains agrippent le col du pardessus, l’intranquillité est palpable, le cadre imposé par le photographe évite la noyade.
L’individu se reprend, la respiration est plus calme, le corps plus droit, avant que de danser de nouveau devant l’objectif jouant le rôle du prêtre sauvage à l’instant d’une confession impossible.
Je vous montre que je n’ai rien à cacher, tout à cacher, rien à montrer.
Se frotte les yeux.

©Antonio Jiménez Saiz
Se tient la bouche.
Se plie.
Se redresse.
Se soupèse le menton.
S’enserre le crâne.
Pourrait pleurer, pourrait s’enfuir, mais ne recule pas.

©Antonio Jiménez Saiz
Monsieur est là depuis quelques années, dans la même pièce, face au même visionnaire, conscient qu’on ne s’échappe pas de soi-même, tournant sans fin dans la cage en feu de son être.
Ces images, l’artiste Rozafa Elshan les a vues avec intensité, leur répondant par une œuvre de dimension plasticienne, chacun des trente exemplaires de cette édition de La paix nulle part ailleurs comportant le fragment d’une seule et même œuvre dispersée.

©Rozafa Elshan
Ce pourrait être une aile d’ange, une partition musicale baroque, un archipel en construction.
Une cartographie, une sismologie, des notations inspirées écrites en une langue inconnue.
La lecture se fait verticalement, il y a un chiffre écrit au marqueur – 41799 sur l’exemplaire neuf -, de la calligraphie, une image superposée faisant basculer l’ensemble de l’édifice du côté de l’architecture.
Voilà ce qu’opèrent ensemble Antonio Jiménez Saiz et Rozafa Elshan, une tectonique des plaques, une recherche commune de la stabilisation dans l’inquiétude d’être au monde, un chemin de grâce malgré les difficultés.

Antonio Jiménez Saiz & Rozafa Elshan, La paix nulle part ailleurs, volume 9, Alba éditions, 2025 – 30 exemplaires numérotés
https://www.instagram.com/antonio_jimenez_saiz/

©Rozafa Elshan
https://www.ensp-arles.fr/les-formations/le-mentorat-2023/mentore%C2%B7e%C2%B7s-2023/rozafa-elshan/

©Rozafa Elshan