©Florence Chevallier

« Notre histoire se construit au fil des ans lorsque tu viens passer quelques jours de vacances dans notre maison. Parfois je tente des prises de vues chez tes parents en bord de Marne. J’appréhende tes possibles refus : cela n’arrive jamais. » (Florence Chevallier)

Je n’ai pas connu Florence Chevallier enfant, ou jeune femme, mais il me semble la voir à chaque page du livre que publie Arnaud Bizalion Editeur, En herbe.

Il s’agit d’une série concernant une petite fille, Gabrielle, photographiée jusqu’à l’âge de l’adolescence.

©Florence Chevallier

Elle est là, sur la couverture, très blanche de peau, infante, presque poupée, présente et étrange, tenant, dressée, une feuille brune dans la pince des doigts.

On pense à l’école de Fontainebleau, au maniérisme français, à l’affectation sublime des formes.

Tapis de feuilles, visage cadré de près, comme les bébés quand Philippe Bazin les regarde tels êtres débarqués de l’inconnu.

Pupilles dilatées, yeux qui dévorent le visible comme l’invisible, joues de lait rose, ainsi apparaît Gabrielle, petite créature d’enluminure dans une forêt aux couleurs de conte merveilleux.  

©Florence Chevallier

Surréalité d’un être de chair passé de l’autre côté du miroir, éveillé, réveillé, alors que nous, pauvres adultes, ne cessons de dormir.

Florence Chevallier contemple un mystère, une sainte de trois pommes pas très loin de l’extase, voyante assurément, ou jeune pythie accrochée à son bout de bois, comme on agite un bâton magique.

Aveugle et visionnaire, ainsi s’est levée Gabrielle, divinité des bois, éclair de lumière, enfance transfigurée.

Un ange italien passe.

« Tu te laisses faire, tu te détends… poursuit Florence Chevallier. Il n’y a rien à maîtriser, je n’exige rien de particulier, je suis patiente. Cela te repose de tous les moments où tu dois être vigilante, donner le change pour être acceptée, ce qui te fatigue beaucoup. »

©Florence Chevallier

L’enfant grandit, personnage d’un film de Bertrand Bonello, cinéaste sensible à la dimension mythologique du quotidien, et aux fantômes.

Métamorphoses.

L’âge d’or peut-il encore durer longtemps ?

Comment échapper à la corruption du temps ?

Pudeur, réserve, beaux chemins de la conscience.

©Florence Chevallier

Cassandre ? Perséphone ? Déméter ?

Appelez-la simplement Gabrielle.

Prenant le soleil, se cachant un œil, s’interrogeant.

Signes corporels de l’adolescence, persistance de la grâce, une dame âgée montre son visage, puis, l’instant d’après, c’est celui d’une fillette.

Héraldique des couleurs, blason des ombres, farouche ondine.

Arc d’une bouche indiquant une gravité, comme un lointain de pleurs plus ancien que simple existence humaine.   

En conclusion, Magali Nachtergael écrit joliment : « Dans l’œil d’une photographe étrangement absente présente elle aussi, on regarde de près une enfant devenir elle aussi une femme, évaluant les ambiguïtés qui surgissent et les relations entre les âges qui se tissent ou se figent à travers la complexité du geste d’image, comme une adresse à l’autre, changeante, comme allée, avec le soleil. »

Secrète Gabrielle dont le coeur fou robinsonne à travers les saisons.

Florence Chevallier, En Herbe, textes Florence Chevallier, Magali Nachtergael, direction éditoriale Arnaud Bizalion, conception Florence Chevallier, finalisattion maquette, préparation des fichiers Pierre-Marie Gély, assistant maquette Sami Chouia, traitement des images Gilles Berquet, Arnaud Bizalion Editeur, 2025, 124 pages

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©Florence Chevallier

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