La Casbah en poche, par Abed Abidat, photographe

©Abed Abidat

« La Casbah a les yeux secs. En bas, la ville s’agite sous les fils électriques. Alger la blanche trempe son nez dans des cafés noirs, lève la main aux taxis, allume une cigarette et cherche le taux de change. On vend des billets, de la semoule, du gaz. On fait des tas de briques, de sable, de ciment. On pose son front sur un tapis et regarde la mer, près d’une petite enceinte, le regard raï, assis sur un rocher, sans visa. » (Hadrien Bels)

La Casbah d’Alger en format poche, ça vous dit ? Abed Abidat l’a inventée.

©Abed Abidat

Composé d’images noir et blanc réalisées avec un Hasselblad moyen format, Casbah est une promenade très belle dans la médina historique, en visages et points de vue.

Il y a mélange des temporalités et des architectures, mais aussi éloge du peuple algérois ayant accepté de poser pour le photographe.  

Rien n’est volé ou capturé, Abed Abidat n’est pas un chasseur d’images, mais un être fraternel.

De la durée se dépose sur sa pellicule, une profondeur humaine qui touche.

©Abed Abidat

Aucune grandiloquence, mais un accueil simple des habitants et passants d’un lieu unique ouvert sur la mer Méditerranée.

Une femme seule, un père et sa fille, des enfants, des ouvriers africains probablement immigrés.

Les regards ne fuient pas, il y a échange, respect, dignité.

Monde commun.

Casbah est un livre doucement politique, attentif à la concorde bien plus qu’aux points d’éventuels conflits ou tensions.

On est bien dans ses images, ne donnant jamais la sensation d’un quelconque voyeurisme.

Diversité du peuple, des êtres, traversant un espace dont la vétusté est patente.

©Abed Abidat

On y travaille, on y joue, on s’y balade.

On y attend aussi qu’un événement se passe – oui, mais lequel ?

On pourrait se sentir quelquefois au Panier, à Marseille, ce double tout au bout de l’horizon.

Beauté de chacun témoignant d’une solennité sans gravité excessive.

Casbah se contemple et se feuillette, on l’a près de soi, on l’emporte, il nous emporte.

©Abed Abidat

Mosaïque des rencontres à l’Ilford HP5 Plus

La rue comme espace premier de la démocratie.

Tags et bancs étiques, ciment qui s’effrite et portes anciennes ouvragées.

Un minaret de guingois, des femmes en palabres, Casbah est fixe et dynamique, fixement dynamique.

De l’espace et des grillages, des ouvertures et des fermetures, de la vitalité et des mélancolies.

Des ruines désolantes et des commerçants en plein labeur.

©Abed Abidat

Casbah rassemble, crée communauté sans faire de communautarisme, croit en l’enfance comme puissance d’avenir.

Hadrien Bels a produit pour la postface un texte de quelques pages superbe : « Le photographe arrive seul. Il entre dans le quartier comme dans une histoire compliquée, en enlevant ses chaussures. Il a le temps. Personne ne se livre au premier rendez-vous. Il a cette démarche d’immigré qu’on prend de l’autre côté de la mer, le pas de celui qui cherche sa place. C’est un enfant de ceux qui sont partis transpirer sur les chemins de fer, les chantiers, les usines françaises. Un enfant de ceux qui ont passé leur vie à regarder derrière eux et ne reviennent que pour se mêler à leur terre. »

Une casbah au regard raï.

Abed Abidat, Casbah, texte Hadrien Bels, conception éditoriale et mise en page Richard Volante et Yves Bigot, photogravure Christophe Girard, relecture Marc Nagels, Les Editions de Juillet / Images plurielles, 2025

https://www.imagesplurielles.com/fr/brand/3-abed-abidat

https://www.editionsdejuillet.com/products/casbah

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