©Marcel Fortini
De juin 2014 à mars 2015 se tint, au Musée de la Corse à Corte, une exposition intitulée La Corse et la Grande Guerre.
On y apprenait que 10 000 à 13 000 combattants insulaires, sur 58 000 mobilisés (hommes jusque 48 ans), avaient péri au front ou des suites de leurs blessures, faisant de 7 000 enfants des pupilles de la nation.
Il faut célébrer les morts, leur rendre hommage, leur faire une place.
©Marcel Fortini
Telle est l’ambition de Marcel Fortini lorsqu’il a pensé Diciottu, soit « 18 », bel ouvrage à la couverture cartonnée entoilée – éditions Trans Photographic Press – évoquant la mémoire d’un ancêtre, soldat au 224e régiment d’infanterie, à partir d’une photographie prise sur le front de 1915, et d’une carte postale d’icelui au texte reproduit au début de son livre.
« Je suis bien fatigué, écrit-il, par les longues marches que l’on fait à pied dans la boue. C’est très pénible cette vie qu’on mène ici et cette malheureuse guerre est bien longue. Quand viendra le jour de pouvoir venir me reposer dans ma chère famille ? »
©Marcel Fortini
En trente-et-une photographies sobres et émouvantes, Diciottu conduit le lecteur du village de Centuri en Corse, aux cols des Vosges et à Lucca en Toscane, en passant par les plaines du Pas-de-Calais (Neuville Saint-Vaast, mont Saint-Eloi, Vimy, Notre Dame de Lorette).
Nombre de morts de la Première Guerre mondiale, défigurés, déchiquetés, pulvérisés, sont anonymes, mais Jean-Luc Semidei, qui fut tué à la deuxième bataille d’Artois le 13 mai 1915, possède encore un visage, celui d’un soldat d’une escouade photographié avec ses camarades, mais aussi celui des paysages qu’il a traversés et où il a combattu.
©Marcel Fortini
Il y a le temps de la mémoire collective, le temps de la nature, et le temps du recueillement personnel – culte des défunts.
Sur la photographie de 1915, on ne sait pas qui est Jean-Luc (Ghjuvan Lucca), et tant mieux, car tous vivent le même martyre.
Les champs sont détrempés, les lueurs sont navrantes, il pleut encore des obus dans la mélancolie et ciel gris du Nord.
Sous la terre grasse, combien de cadavres ? combien d’ossements ? combien d’objets orphelins ?
©Marcel Fortini
Désolation d’un cimetière militaire : des croix à perte de vue.
Monuments aux morts et tranchées.
Stèles et arbres repoussés.
Neige et glas.
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Diciottu est un livre silencieux au suprême, c’est en quelque sorte un espace sacré.
En contrepoint des terres de guerre, il y a là-bas, en Corse, une paix, une concorde.
A sa façon, 18 est une prière, un kaddish, un lamentu.
Marcel Fortini, Diciottu, 18, textes (français/corse) de Marcel Fortini, conception et design graphique Dominique Gaessler, traduction des textes en langue corse Ghjuvan Maria Arrighi, Trans Photographic Press, 2018, 40 pages
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