
Des rives et des crêtes est l’ouvrage d’une artiste coréenne, peintre, photographe et vidéaste, dessinant à l’aquarelle et à l’encre de Chine la ligne d’horizon des Alpes lémaniques se posant sur le lac Léman.
Son travail, de format panoramique, se déployant très souvent sur des doubles pages, inspire la paix, la contemplation, la méditation.
Le blanc, le silence, l’absence occupent l’espace bien plus que le mince horizon.

Et pourtant, le vide est plein, il n’y a pas d’effroi, simplement la beauté de l’apparition des formes dans le néant originel.
En ces paysages où la brume, la roche, le ciel et l’eau se confondent, l’artiste respire calmement, fait de son souffle une trace.
Impression de douceur rassembleuse, d’unité de fond, de cohérence.

Il faut imaginer le chant du papier lorsque Ji-Young Demol Park le déroule, la montée des odeurs, le ravissement de l’œil.
Les rudes montagnes sont des effets de caresses, le lac est féminin, c’est un bassin, une matrice, une eau d’enfantement.
Après les vertiges et prouesses de l’art vidéo, Ji-Young Demol Park est redevenue face au lac Léman l’enfant qui accompagnait sa mère, bouddhiste, au temple : « Pour atteindre ce lieu de culte, écrit-elle, il fallait monter par les sentiers, progresser à travers la forêt, et lors de ces petites ascensions, maman nous invitait à nous émerveiller de la nature qui nous entourait. »
On peut ainsi considérer ses dessins comme des prières faites à la mère, à l’enfance, à la nature qui berce et déchire.

L’œuvre de Ji-Young Demol Park est de gratitude envers les forces du vivant.
« Je ne cherche pas à réaliser une représentation naturaliste, mais à traduire en image une attitude d’émerveillement et de contemplation. »
De fait, ses visions induisent chez le spectateur une sorte de ralentissement cardiaque, en accord avec la majesté d’un paysage représenté sans drame, ni tension.
Il y a ici des esprits, Ji-Young Demol Park dessinant moins les rives d’un lac que le l’espace d’un sanctuaire.
Tout peut y arriver, tout y arrive, notamment la réconciliation inattendue, un matin de mélancolie, d’avec soi-même.
Lionel Gauthier, conservateur du Musée du Léman où l’artiste est exposée jusqu’au 1er novembre, l’écrit avec émotion : « Son regard si neuf sur un lac si souvent peint est un bonheur que je voulais partager. »
Ji-Young Demol Park, Des rives et des crêtes, textes de Lionel Gauthier, conservateur du musée du Léman, et Ji-Young Demol Park, Editions Glénat, 2020
Ouvrage réalisé à l’occasion de l’exposition, « Des rives et des crêtes » présentée au Musée du Léman, à Nyon, du 2 avril au 1er novembre 2020